Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 273

MAINTIEN DU TRAITÉ, EN TOUT OU EN PARTIE (EFFET STABILISATEUR)
273
voire presque inexistante. Ceci se produit notamment lorsque l'État qui a dénoncé un
traité ne tarde pas à y réadhérer tout en émettant des réserves. Strictement parlant, il
ne s'agit pas d'une renégociation proprement dite car, entre autres raisons, l'émission
d'une réserve est un acte unilatéral ne nécessitant pas un dialogue entre les États tel
qu'exigé dans le cadre d'une renégociation162.
733. Cet exemple très spécifique est illustré par les dénonciations du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de
1966 par le Trinité-et-Tobago en 1998, et le Guyana en 1999, auquel ils n'avaient
formulé initialement aucune réserve. Précisément, la dénonciation de l'un et l'autre
pays a été notifié conformément à l'article 12 du Protocole facultatif prévoyant un
délai de préavis de trois mois. Le jour même de la prise d'effet de leur dénonciation
respective163, les deux pays ont réadhéré audit Protocole moyennant une réserve dont
la teneur était assez importante consistant à nier certains droits aux individus condamnés
à la peine capitale164.
734. Plusieurs États parties au Protocole ont, à juste titre, communiqué leurs
objections et exprimé leurs sérieuses préoccupations à cet égard. Ils ont unanimement
souligné qu'une telle réserve était contraire à l'objet et au but du Protocole165. Certains
ont également souligné le caractère « fâcheux »166 et exprimé « des doutes quant
au bien-fondé »167 de cette procédure de dénonciation suivie d'une réadhésion immédiate
assortie d'une réserve d'une telle portée, qu'ils estimaient constitutive d'«un
abus de procédure »168 ainsi que d'« une infraction manifeste à la règle de bonne
162. P.-M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, 2018, op. cit., p. 318.
163. Soit le 26 mai 1998 pour le Trinité-et-Tobago et le 5 avril 1999 pour le Guyana.
164. Voir
treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-5&chapter=4&clang=_fr#EndDec.
Voir les notes de fin de page nº 1 et 2. Voir également L. Helfer, « Overlegalizing Human Rights : International
Relations Theory and the Commonwealth Caribbean Backlash Against Human Rights Regimes »,
Columbia Law Review, 2002, pp. 1880-1882.
165. Voir les communications des Pays-Bas, de l'Allemagne, de l'Espagne, de la France, la Suède et
l'Italie en réponse à la notification de dénonciation par le Trinité-et-Tobago disponible sur
treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-5&chapter=4&clang=_fr#EndDec.
Voir la note de fin de page nº 1. Voir les communications de la Finlande, la Pologne en réponse à la notification
de dénonciation par le Guyana. Voir en ce sens l'avis de la CIJ, Réserves à la Convention sur le
Génocide, avis consultatif du 28 mai 1951, Recueil 1951, pp. 29-30. Dans cette affaire, la Cour a été saisie
par la résolution 478 (v) de l'Assemblée générale du 16 novembre 1950 pour donner son avis sur les questions
suivantes : « [e]n ce qui concerne la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
dans l'hypothèse du dépôt par un État d'un instrument de ratification ou d'adhésion contenant une
réserve formulée soit au moment de la ratification ou de l'adhésion, soit au moment de la signature suivie
de ratification : I. L'État qui a formulé la réserve peut-il être considéré comme partie à la Convention aussi
longtemps qu'il maintient sa réserve si une ou plusieurs parties à la Convention font une objection à cette
réserve, les autres parties n'en faisant pas ? II. En cas de réponse affirmative à la première question, quel est
l'effet de cette réserve dans les relations entre 1'État qui a formulé la réserve et : a) Les parties qui ont fait
une objection à la réserve ? b) Celles qui l'ont acceptée ? III. En ce qui concerne la réponse à la question 1,
quel serait l'effet juridique d'une objection à une réserve si cette objection est faite par : a) Un signataire qui
n'a pas encore ratifié la Convention ? b) Un État qui a le droit de signer ou d'adhérer, mais qui ne l'a pas
encore fait ? »
166. Voir la communication de l'Allemagne en réponse à la notification de dénonciation par le Trinité-et-Tobago
et la communication de la Finlande en réponse à la notification de dénonciation par le
Guyana.
167. Voir les communications de la Suède, l'Irlande et l'Italie en réponse à la notification de dénonciation
par le Trinité-et-Tobago.
168. Voir la communication de la Suède en réponse à la notification de dénonciation par le Guyana.

http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-5&chapter=4&clang=_fr#EndDec http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-5&chapter=4&clang=_fr#EndDec

Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités