Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 36

36
LA DÉNONCIATION ET LA RENÉGOCIATION DES TRAITÉS
parties. La question était particulièrement importante à trancher vu que l'opération de
la clause de survie17 du traité était liée à la dénonciation du TBI et non à son extinction
d'un commun accord. Dans cette affaire, opposant l'investisseur de l'État A à
l'État B, l'investisseur de l'État A plaidait que le traité avait pris fin par voie de
dénonciation en vertu de la notification de cet État informant l'État B de sa volonté
de dénoncer le traité18. De son côté, l'État B soutenait que le traité avait pris fin d'un
commun accord parce que la notification de l'État A était une simple déclaration d'intention
de dénoncer, et non une notification de dénonciation proprement dite, à
laquelle il avait répondu en exprimant sa volonté concordante de mettre fin au traité
en vertu de l'article 54 (b) de la CVDT19. Faute de réaction ou d'objection de la part
de l'État A, l'État B avait estimé que l'État A avait tacitement accepté que le traité
serait éteint d'un commun accord sur le fondement de l'article 54 (b) de la CVDT.
48. Le Tribunal a conclu que la notification de l'État A exprimait plus qu'une
simple inclination ou désir de dénoncer le TBI, et qu'elle indiquait clairement que
l'État A mettait fin au traité en le dénonçant. Le Tribunal a ensuite précisé que la
nature de la dénonciation de l'État A ne pouvait pas être changée par le fait que
l'État B ait répondu à ladite notification en exprimant sa volonté de mettre fin audit
traité en invoquant un autre fondement. Il a été également noté que si l'État B avait
une objection à la dénonciation de l'État A, il aurait pu et aurait dû l'exprimer clairement
plutôt que d'accepter en principe la fin du traité tout en essayant de changer le
fondement de son extinction. Le Tribunal arbitral a finalement souligné qu'il s'agissait
d'une extinction par dénonciation car celle-ci constituait un acte unilatéral qui
n'exigeait l'intervention d'aucun acte ultérieur pour prendre effet.
49. Ce dernier point fait directement allusion à l'arrêt de la CIJ dans l'affaire des
Essais nucléaires où la Cour avait bien noté que :
Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d'actes unilatéraux et
concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des
obligations juridiques. Des déclarations de cette nature peuvent avoir et ont souvent
un objet très précis. Quand 1'État auteur de la déclaration entend être lié
conformément à ses termes, cette intention confère à sa prise de position le
caractère d'un engagement juridique, 1'État intéressé étant désormais tenu en
droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration. Un engagement
de cette nature, exprimé publiquement et dans l'intention de se lier, même hors
du cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire. Dans ces conditions,
aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet,
17. Il s'agit d'une clause permettant à certaines dispositions d'un traité de s'appliquer au-delà de
l'extinction du lien conventionnel ou du traité. Elle fera l'objet d'une analyse approfondie au Titre II de
la Partie II.
18. L'État A ne s'est pas appuyé dans son argumentation sur la distinction des deux types de notification
telle qu'opérée par l'article 67 de la CVDT. Voir notre analyse de ce point dans le Chapitre 2, Titre I
de la Partie II.
19. L'État B expliquait qu'il se référait à l'article 54(b) de la CVDT afin de mettre fin au traité d'un
commun accord puisque le traité interdisait la dénonciation pendant une durée initiale de 10 ans où aucune
des États parties ne pouvait dénoncer le traité. Selon la lecture de l'État B de la clause, la dénonciation
litigieuse a été invoquée cinq ans avant la fin de cette durée initiale. Le Tribunal a rejeté cette interprétation
car, selon lui, la clause conventionnelle en question n'interdisait pas une telle dénonciation pendant la durée
initiale et qu'il ne ressortait pas de l'intention des parties qu'une telle dénonciation serait exclue pendant
ladite période. Le Tribunal a ajouté que si une telle interdiction était voulue, l'article aurait été formulé
différemment.

Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités