Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 37

CRITÈRES INTRINSÈQUES : IDENTIFICATION DES TRAITS CARACTÉRISTIQUES
37
non plus qu'une acceptation ultérieure ni même une réplique ou une réaction
d'autres États, car cela serait incompatible avec la nature strictement unilatérale
de l'actejuridiquepar lequel l'État s'estprononcé20. (Souligné par l'auteur)
50. Ainsi, la requalification en question semble inconcevable notamment dans
le cas d'une dénonciation mise en œuvre en vertu d'une disposition conventionnelle
dont l'application serait automatique, une fois les conditions prévues par le traité réunies.
Par contre, il semble que cette requalification pourrait paraître envisageable dans
un cas de dénonciation relevant de l'article 54 de la CVDT. Ceci nous paraît vraisemblable
étant donné la marge de négociation que l'article 54 semble offrir aux parties
au traité, en leur donnant la possibilité soit de dénoncer le traité par consentement des
États parties, soit de mettre fin au traité d'un commun accord.
51. Mais qu'en est-il d'une dénonciation ou d'un retrait suivi par une ré-adhésion
? Est-ce qu'une telle dénonciation serait requalifiée en suspension ? On fait principalement
allusion à la dénonciation de la Convention créant l'Organisation des
Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l'Acte constitutif
de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Charte des Nations Unies où, à la
suite du retrait de certains États membres, ces organisations ont considéré les États qui
s'en sont retirés comme des « membres inactifs »21 au lieu de les considérer comme
des non-membres à partir de la date de prise d'effet du retrait. Celles-ci ont ensuite
adopté des « arrangements sui generis » permettant la réentrée de ces États dits membres
inactifs aux dites organisations22. Il faut noter que les actes constitutifs de ces
organisations ne prévoyaient pas de clause de dénonciation ou de retrait. Toutefois,
l'UNESCO avait introduit en 1954 une clause expresse de retrait faisant suite à la
demande des États-Unis23. La question de l'opportunité d'insérer une clause de
dénonciation dans la Charte des Nations Unies a été débattue lors de la Conférence
de San Francisco, par contraste avec la clause qui était prévue dans le Pacte de la
SDN24 qui avait permis plusieurs retraits25 et par conséquent causé l'affaiblissement
de l'organisation26. Ayant cet échec à l'esprit, les rédacteurs de la Charte ont délibérément
écarté l'insertion d'une clause de dénonciation dans celle-ci afin d'éviter les
failles de la SDN27. Le paysage était donc incertain, il n'y avait ni de délai de préavis
20. Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt du 20 décembre 1974, CIJ, Recueil 1974, p. 267, § 43.
21. Voir P. Bertrand, « La situation des 'membres inactifs' de l'OMS », AFDI, 1956, pp. 602-615,
spéc. p. 606 ; et T. Christakis, « Article 56 - Convention de 1969 », op. cit., p. 2007.
22. Pour le cas de l'Indonésie et son retrait des Nations Unies et de l'UNESCO en 1965, voir
L. Blanchfield, M. A. Browne, « Membership in the United Nations and Its Specialized Agencies »,
Congressional Research Services, 2014, p. 2, disponible sur fas.org/sgp/crs/row/R43614.pdf. Voir aussi
L. Helfer, « Exiting Treaties », Virginia Law Review, 2005, p. 1595 ; et T. Christakis, « Article 56 - Convention
de 1969 », op. cit., p. 2007.
23. Voir l'article II(6) de la Convention créant une Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture de 1945 (UNESCO).
24. Voir l'article 1(3) du Pacte de la SDN de 1919 : « 3. Tout membre de la Société peut, après un
préavis de deux ans, se retirer de la Société, à la condition d'avoir rempli à ce moment toutes ses obligations
internationales y compris celles du présent Pacte ».
25Voir le retrait de l'Allemagne en 1933, lettre de Konstantin von Neurath disponible sur www.wdl.
org/en/item/11598, suivi par celui du Japon en 1933 et de l'Italie en 1937.
26. Voir, entre autres, H. Kelsen, «Withdrawal from the United Nations », The Western Political
Quarterly, 1948, pp. 29-43.
27. En revanche, la Charte de l'ONU prévoit la possibilité pour l'Organisation d'expulser un État
membre en raison de la violation persistante des principes de celle-ci. Voir l'article 6 de la Charte : « [s]i
un Membre de l'Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte,
il peut être exclu de l'Organisation par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ».
http://www.fas.org/sgp/crs/row/R43614.pdf http://www.wdl
Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités
