Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 52

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LA DÉNONCIATION ET LA RENÉGOCIATION DES TRAITÉS
88. Comme la traduction précitée du terme anglais « abrogation » par « extinction
» en français le suggère, la ressemblance est plutôt subtile entre l'abrogation d'un
traité et la fin de celui-ci d'un commun accord. L'abrogation peut donc parfois être
confondue ou employée de manière interchangeable avec l'« extinction » ou la « terminaison
» qui sont souvent traduits par « termination » dans les versions anglaises.
L'Accord de coopération économique entre le Portugal et les États-Unis en donne une
bonne illustration adoptant le terme « abroger » pour signifier mettre fin au traité en
invitant les parties à se consulter afin de « modifier, transformer ou abroger » leur
Accord11.
89. L'abrogation trouve son fondement dans un accord de toutes les parties, que
celui-ci soit exprès ou tacite. J. Basdevant souligne que l'abrogation « résulte d'un
accord entre les États signataires, donc d'un acte volontaire non de certaines circonstances
auxquelles le droit international attache objectivement un effet
extinctif(...) »12. J. Salmon partage le fondement consensuel de l'abrogation qui,
selon lui, est l'« extinction d'un traité (...) par une décision ou un accord - exprès
ou tacite - des parties notamment par l'entrée en vigueur d'une norme ou d'un traité
ultérieures incompatibles »13. Ainsi, l'abrogation ne se réalise pas automatiquement à
moins que les parties n'aient prévu un tel effet, au moins implicitement. Toutefois,
une abrogation ne peut pas résulter automatiquement et surtout pas unilatéralement
d'un changement fondamental de circonstances.
90. La conclusion d'un nouvel accord entre toutes les parties qui porte sur la
même matière et dont les dispositions sont incompatibles avec le traité antérieur
constitue la manifestation la plus connue de l'abrogation telle que la prévoit implicitement
l'article 59 de la CVDT. Ceci coïncide avec la position des auteurs qui estiment
que l'article 59 reflète un scénario de désuétude des traités. Ceux-ci considèrent
que la désuétude constitue une forme tacite d'abrogation14. Selon F. Capotorti, « [i]l
est possible que la coutume survenue ait pour seul objet l'abrogation de règles
conventionnelles antérieures ; on parle alors de désuétude »15. Ainsi, la Cour d'appel
de Paris avait appliqué la règle de l'article 59 aux Conventions commerciales francoéquatoriennes
de 1938 et 1959 avant même l'adoption de la CVDT. Pour ce faire, la
Cour avait estimé que le traité postérieur abrogeait le traité antérieur qui lui était
incompatible sans que cette abrogation ne soit expressément prévue dans le second
traité16. La même approche se trouvait également dans les termes de la Convention
internationale de télécommunication de 194717.
11. L'article XI de l'Accord de coopération économique entre le Portugal et les États-Unis de 1948.
12. J. Basdevant, Dictionnaire de la terminologie du droit international public, Sirey, 1960, p. 99.
13. J. Salmon, Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 2. Voir en ce sens, S. Bastid, Les
traités dans la vie internationale, op. cit., p. 198.
14. M. Kohen, « Desuetude and Obsolescence ofTreaties », in E. Cannizzaro (dir.), The Law ofTreaties
Beyond the Vienna Convention, Oxford Scholar Online, 2011, pp. 352-353.
15. F. Capotorti, « L'extinction et la suspension des traités », op. cit., p. 517.
16. CA, Paris, 15e
ch., 30janvier 1967, S.I.M.A.B. c. /Sté Calvet et Martinez, JCP, 1968, II, 15357,
observations P.L., citée par J. Lachaume « Jurisprudence française concernant le droit international - Année
1968 », AFDI, 1969, pp. 825-880, p. 837. Voir aussi l'affaire Oscar Chinn, arrêt du 12 décembre 1934,
CPJI, Série A/B, nº 63, pp. 80-81.
17. Voir les articles 21 et 22 consacrés à la dénonciation et l'article 23 intitulé « Abrogation des
Conventions et des Règlements antérieurs à la présente Convention »,
disponible sur treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20193/v193.pdf. Voir en ce sens aussi
l'article 7 de la Convention régionale européenne du service mobile radiomaritime de 1948 et

http://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20193/v193.pdf

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