Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 73

UN MOYEN D'ADAPTATION À UN CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES
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148. Étant donné que le Traité de 1977 ne contenait pas de disposition concernant
sa terminaison, la Hongrie l'a dénoncé en se fondant sur plusieurs motifs énumérés
par la CVDT, notamment l'impossibilité d'exécution, le changement fondamental
de circonstances consacré par l'article 62, la violation substantielle par la Tchécoslovaquie
de ses obligations conventionnelles et l'émergence de nouvelles règles internationales
en matière du droit de l'environnement.
149. Initialement, une tentative d'entreprendre des renégociations avait été
exprimée dans des notes verbales échangées entre les deux gouvernements, mais
elle s'était aussitôt heurtée au blocage résultant de leurs positions respectives. En réalité,
autour de la table de discussion, chacune des deux parties avait exprimé sa disposition
à négocier sous certaines conditions : la Hongrie demandait la suspension des
travaux entamés par la Slovaquie, alors que celle-ci insistait pour ne pas entraver lesdits
travaux et pour négocier sans être soumise à des conditions préalables. Cette
situation a mené à une impasse, d'où la notification mettant fin au traité par la
Hongrie.
150. Se basant sur l'impossibilité d'exécution de l'article 61, la Hongrie a
estimé qu'à la suite de l'émergence de nouvelles normes internationales environnementales,
la construction d'un système de barrage sur son territoire endommagerait
l'environnement. De ce fait, elle estimait que l'objet indispensable du traité, à savoir
l'exploitation d'un investissement économique conjoint dans le respect de l'environnement,
avait disparu. La Hongrie soutenait également que l'objet, tel que visé par
l'article 61, pouvait porter sur « une situation juridique qui constituait la raison
d'être des droits et obligations »15. En réponse, la Slovaquie soutenait que lesdits
développements juridiques ne constituaient pas de normes de jus cogens et, par
suite, ne pouvaient pas l'emporter sur les dispositions du traité. La Slovaquie considérait
en outre que la seule base pour invoquer un tel motif était la disparition ou la
destruction matérielle, qui, en tout état de cause, ne pouvait pas être soulevée par une
partie si l'impossibilité résultait de sa propre violation du traité.
151. Selon les termes du compromis relatif à la juridiction de la CIJ pour
connaître de cette affaire, la Cour a été priée de déterminer quels étaient les effets
juridiques de la notification de terminaison émise par la Hongrie. De manière générale,
la Cour a tendance à privilégier le maintien en vie du lien conventionnel. Ce
faisant, la Cour accorderait moins d'importance à la faculté de dénoncer le traité prétendument
devenu impossible à exécuter tant qu'il est possible de le réajuster. En
l'espèce, la Cour n'a pas examiné si un régime juridique16 pouvait entrer dans les
contours de la notion d' « objet » de l'article 61 et si, le cas échéant, sa disparition
définitive aurait constitué un motifjustifiant la terminaison d'un accord international.
Elle a ajouté que même si cela avait été le cas, le régime juridique en question n'aurait
pas disparu définitivement. Fidèle à la règle pacta sunt servanda, la Cour a en revanche
pu trouver secours dans les dispositions du traité pour maintenir le lien
15. Projet Gabčikovo-Nagymaros, préc., p. 59, § 94.
16. Projet Gabčikovo-Nagymaros, préc., p. 64, § 103. Sur ce point, voir ACDI, 1982, vol. II, partie 2,
p. 61, § 3 : « l'article 61, comme le projet d'article 61, a également en vue la disparition d'une situation
juridique qui conditionne l'application d'un traité ; ainsi, un traité entre deux États relatif à une aide dont
un territoire sous tutelle doit être le bénéficiaire disparaît s'il apparaît par ses modalités que cette aide était
liée au régime de tutelle applicable à ce territoire et que ce régime a pris fin ; il en est de même si le traité en
cause est conclu entre deux organisations internationales et l'État chargé de la tutelle ».

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