Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 75

UN MOYEN D'ADAPTATION À UN CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES
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SOUS-SECTION 2
L'ADAPTATION D'UN TRAITÉ DONT L'EXÉCUTION EST DEVENUE
INÉQUITABLE, INJUSTE, PRÉJUDICIABLE OU DÉSÉQUILIBRÉE
155. Comme nous l'avons déjà indiqué, nous sommes de l'avis que le changement
fondamental de circonstances englobe les cas de l'article 61 et 62 de la
CVDT. Néanmoins, la notion de changement fondamental des circonstances dans les
paragraphes qui suivent est limitée à la notion anciennement connue sous la théorie ou
la clause rebus sic stantibus19, reprise par l'article 62 de la CVDT20.
156. La clause est historiquement très ancienne21. Cependant, elle a suscité
beaucoup de controverses au cours des siècles en raison notamment des contours fluctuants
de sa définition. Cette ambiguïté entourant la clause rebus sic stantibus a rendu
son identification particulièrement ardue. Elle a également fait l'objet de longs débats
quant aux conséquences qu'elle engendre et la procédure à suivre, une fois un cas de
rebus sic stantibus constaté22.
157. Une des justifications principales avancées pour soutenir la légitimité de
cette clause est la prohibition de la perpétuité des engagements23. Il est en effet invraisemblable
d'imaginer que les États puissent prévoir toutes les circonstances, notamment
celles qui sont de nature à transformer radicalement la portée de l'engagement,
et particulièrement dans le contexte des traités à durée illimitée24. Sur ce point, la
clause a scindé la doctrine entre un groupe qui soutient la règle comme étant une
clause implicite insérée automatiquement dans tous les traités et a fortiori les traités
à durée indéterminée, par opposition à ceux qui rejettent cette idée de clause
implicite25.
158. Le test d'identification. La problématique essentielle de la clause rebus sic
stantibus pourrait être formulée comme étant l'« altération des données initiales versus
application du traité »26. Elle découle donc d'une inadéquation flagrante entre le
negotium d'un traité et les attentes des parties du fait des circonstances nouvelles survenues
postérieurement à sa conclusion rendant son exécution injuste, inéquitable ou
gravement préjudiciable à l'une des parties. Il peut s'agir d'un changement de fait
comme d'un changement de droit27. De ce fait, les paramètres du rapport
19. Voir R. Ago lors des interventions de la CDI se prononcer en faveur du terme « clause », ACDI,
1966, vol. I, partie 2, p. 347.
20. ACDI, 1966, vol. I, partie 1, p. 88.
21. Sur les différentes positions des auteurs de cette époque notamment Grotius, Gentili et de Vattel
voir G. Haraszti, « Treaties and the Fundamental Change of Circumstances », RCADI, 1975, p. 10 et s.
22. La notion a même divisé les internationalistes sur son statut juridique entre « une règle », « une
théorie » et « un principe ». Voir la comparaison entre ACDI, 1963, vol. I, p. 159 § 29 où on indique que le
titre de l'article dénote qu'on a trait à une théorie et non à une clause tacite ou une règle de droit international,
et ACDI, 1963, vol. I, p. 166, § 29 indiquant que les auteurs de la proposition commune ont modifié
le titre de l'article et ont préféré le terme « règle » à « théorie ».
23. ACDI, 1963, vol. I, p. 160, §§ 39-40.
24. G. Scelle, Théoriejuridique de la révision des traités, IUHEI, 1936, p. 14.
25. ACDI, 1966, vol. II, pp. 281-282. Voir également R. Kolb, La Bonnefoi en droit international :
Contribution à l'étude des principes généraux de droit, PUF, 2001, pp. 308-314.
26. M. Salem, « Validité temporelle des traités : extinction et suspension », JurisClasseur, Fasc.12-7,
2009, § 220.
27. ACDI, 1963, vol. I, p. 153, § 43. Voir A. Hêche, « Les conditions d'application de la clausula
rebus sic stantibus », RBDI, 2015, p. 326 et s.

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