Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 82

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LA DÉNONCIATION ET LA RENÉGOCIATION DES TRAITÉS
expressément la catégorie des traités établissant des frontières54. Par contre, comme
pour l'article 61, les rédacteurs ont confirmé que la survenance du changement doit
être indépendante de la volonté des parties, excluant par conséquent un changement
qui résulte, entre autres, d'une violation (article 62 (2) (b)).
176. Un raisonnement analogue à celui qu'on a suivi pour l'article 61 s'appliquera
à l'article 62 en ce qui concerne l'alternative entre la renégociation et la dénonciation
du traité prétendument affecté par un changement fondamental de circonstances.
En effet, l'article 62 prévoit une faculté d'invoquer le changement pour dénoncer
le lien conventionnel et non un droit de dénonciation unilatérale automatiquement
applicable. Son invocation est également subordonnée à la procédure prévue par l'article
65 de la CVDT. Ces deux freins à l'unilatéralisme, comme expliqué dans le cadre
de l'article 61, impliqueraient à notre avis une phase de renégociation, même si elle se
trouve très marginalisée par la CVDT55. Dans un tel contexte, il nous semble vraisemblable
de penser que la renégociation a un rôle plus important, étant donné les restrictions
et le champ d'application très limité.
177. Dans ce même ordre d'idée, R. Müllerson avait généralement souligné en
2001 dans son analyse de la dénonciation du Traité concernant la limitation des systèmes
de défense antimissiles balistiques (ABM) par les États-Unis que :
Article 62 ofthe Vienna Convention indeed considers the rebus sic stantibus
doctrine as an exceptional method of treaty termination. Agreeing that this
should be really an exceptional method, it seems, however, that the doctrine
can be used more flexibly : i.e. not only as a method ofterminating treaties but
as initiating the process oftheir renegotiation or modification56.
178. R. Müllerson avait aussi ajouté que « [t]he rebus sic stantibus doctrine
could be used as a legitimate basis for initiating renegotiation or modification of a
treaty whose object andpurpose (spirit) or important concrete clauses (letter) do not
correspond any more to the needs ofchanged realities »57. Sur ce point, P. Reuter se
demandait, plus d'un quart de siècle auparavant, si une obligation de consultation et
de conciliation entre les parties en vue de rechercher un équilibre d'intérêts existait58.
54. Sur le caractère pratiquement impossible de mettre en œuvre cet article, voir A. Pellet, « L'adaptation
du droit international aux besoins changeants de la société internationale », RCADI, 2007, p. 24.
55. ACDI, 1963, vol. I, p. 167 : « [c]e qui intéresse la Commission, c'est donc de savoir quel est, en
droit international, l'effet de circonstances extérieures à un traité sur l'exécution de ce traité. En l'occurrence,
il s'agit de traités qui, sans être inexécutables, devraient être revisés pour des motifs d'équité, un
changement essentiel étant intervenu dans les circonstances extérieures qui ont été prises en considération
pour la conclusion du traité. Il serait de bonne méthode de replacer cette révision exceptionnelle dans le
cadre des révisions normales, c'est-à-dire sous forme conventionnelle. La plupart des traités comportent
soit des clauses de révision, soit des clauses de dénonciation et ne posent donc pas le problème de rebus
sic stantibus, doctrine autrefois justifiée par l'inexistence d'une société internationale organisée et par l'imperfection
de la technique de conclusion des traités ». Souligné dans l'original.
56. R. Müllerson, « The ABM Treaty : Changed Circumstances, Extraordinary Events, Supreme Interests
and International Law », op. cit., pp. 528-529.
57. Ibid., pp. 529-530.
58. P. Reuter, « De l'obligation de négocier », op. cit., p. 725. Voir également ACDI, 1963, vol. I,
p. 107. Des intervenants exprimaient leurs points de vue que la règle rebus sic stantibus devrait en général
entrainer la révision du traité et rarement son extinction. Lorsque les modifications apportées au traité sont
très importantes, la révision équivaudrait dans un tel cas à la conclusion d'un nouvel accord. Voir en ce
sens, notamment sur la suspension comme alternative et l'opportunité d'y voir une possibilité de renégociation,
T. Giegerich, « Article 62 », in O. Dörr, K. Schmalenbach (dir.), Vienna Convention on the Law of
Treaties. A Commentary, Springer, 2018, pp. 1173-1174, §§ 93 et 96.

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