Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 91

UN MOYEN D'ADAPTATION À UN CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES
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l'extinction d'un traité ou de l'autre n'est pas nécessairement automatique. En l'absence
d'une telle indication, des critères relatifs à l'identité des parties et l'identité de
la matière régie par le traité doivent être réunis afin de mettre (tacitement) fin au traité
en question (cela s'inscrit dans la lignée de l'article 59 CVDT)98. Un autre principe
régissant la matière est celui de la lex specialis derogat legi generali. Selon ce principe,
le traité ayant un champ d'application spécial déroge à celui à vocation
générale99. Toutefois, les États peuvent inverser cette règle en indiquant que le général
l'emportera sur le spécial.
203. Afin d'organiser l'articulation de plusieurs traités conclus entre les mêmes
parties et relevant de la même matière ou de matières connexes, certains États prévoient
la subordination d'un traité donné à un accord qui lui est antérieur ou envisagent
sa subordination à d'éventuels accords futurs. Or, l'indication d'une subordination
dans un sens ou dans l'autre ne signifie pas nécessairement qu'une harmonisation
s'impose en cas d'incompatibilité100. Certains accords prévoient la nécessité d'éliminer
les éventuelles incompatibilités tout en laissant aux États le choix des mesures
appropriées en vue d'harmoniser les obligations qui sont en conflit. Parmi ces mesures
figurent notamment le recours à la renégociation et/ou la dénonciation d'un des
accords concernés. Ainsi, la dénonciation et/ou la renégociation font parfois partie des
outils que les États utilisent dans leurs démarches d'harmonisation afin de réduire,
voire d'éliminer les incompatibilités entre leurs engagements conventionnels. Il reste
bien évidemment des traités silencieux sur cette question, laissant de ce fait la place à
la CVDT pour gérer une éventuelle situation de conflit normatif entre deux traités. Ce
sujet de conflits entre normes conventionnelles internationales mérite à lui seul de
longs développements. Dans ce paragraphe au cadre plus circonscrit, nous aborderons
très brièvement quelques exemples reflétant ces différents scénarios. Avant d'étudier
les exemples, il convient de noter que certaines dispositions régissent l'incompatibilité
entre des traités successifs alors que d'autres régissent l'incompatibilité entre des
obligations souscrites par les États en vertu de différents traités.
204. L'étude du conflit de normes conventionnelles impose une référence à l'article
103 de la Charte des Nations Unies. Celui-ci prévoit qu'« [e]n cas de conflit entre
les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs
obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront »101.
Il s'agit d'une règle générale d'opposabilité et de supériorité des obligations de la
Charte à l'égard de toutes autres obligations conventionnelles entre les États de
98. Voir la section 1 du Chapitre 1, Titre II de la Partie II.
99. La discussion sur l'autorité de ce principe et de sa teneur est source de divergences majeures de
longue date. Cette discussion mérite donc une analyse assez approfondie qui dépasse le cadre de la présente
étude et surtout du présent paragraphe. Pour une lecture plus focalisée sur le sujet, voir, entre autres,
P.-M. Dupuy, « L'unité de l'ordre juridique international : cours général de droit international public »,
RCADI, 2002, pp. 1-489 ; H. Ascensio, « Principes généraux du droit », in P. Lagarde P. et al. (dir.), Répertoire
Dalloz de droit international, 2004 ; M. Kamto., « La volonté de l'État en droit international »,
RCADI, 2004, pp. 1-428 ; et SFDI, Colloque, La mise en œuvre de la lex specialis dans le droit international
contemporain, Pedone, 2017, particulièrement la contribution de V. Correia, « L'adage lex specialis
derogat generali - Réflexions générales sur sa nature, sa raison d'être et ses conditions d'application », in
SFDI, La mise en œuvre de la lex specialis dans le droit international contemporain, Pedone, 2017,
pp. 29-49.
100. ACDI, 1964, vol. II, p. 38. Voir aussi F. Dubuisson, « Article 59 - Convention de 1969 », in
O. Corten, P. Klein (dir.), Les Conventions de Vienne sur le droit des traités, commentaire article par article,
Bruylant, 2006, pp. 2113-2114.
101. Souligné par l'auteur.

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