Cours - Droit pénal général - 6e - 158

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
caractère disproportionné des moyens de défense345
. Mais il demeure éventuellement la possibilité
d'invoquer la légitime défense putative, dont l'esprit n'est d'ailleurs guère éloigné de la légitime
défense présumée : il s'agit dans les deux cas de tenir compte, en faveur de l'individu, d'une apparence
(trompeuse pour la première, douteuse pour la seconde) d'agression346
.
2. Les effets de la justification
277 Comment et pourquoi. - Il faut voir le fonctionnement (a) et les fondements (b) de la justification.
a. Fonctionnement
278 Responsabilité pénale. - Les faits justificatifs empêchent de retenir la responsabilité pénale de la
personne qui en bénéficie, à défaut d'élément légal effectivement applicable aux faits : l'agent ne peut
ni être considéré comme coupable de l'infraction justifiée, ni être condamné à une quelconque sanction
ou mesure pénale. Ils sont donc susceptibles d'entraîner une décision de classement sans suite pur
et simple (au stade des poursuites), de refus d'informer ou de non-lieu347
(au stade de l'instruction) ou
de relaxe ou d'acquittement (au stade du jugement).
Quelle est alors la portée de cette irresponsabilité pénale : le fait justificatif légitime-t-il l'acte en luimême
(il opère inrem)348
, en le dépouillant de sa nocuité, ou simplement l'agent (il opère inpersonam),
en rendant celui-ci non blâmable ? Dans le premier cas, il profitera à tous les participants à l'infraction
(auteur, coauteur, complice), et même empêchera de caractériser des infractions de conséquence
(recel). Dans le second, il bénéficiera uniquement à la personne qui se trouve elle-même dans la situation
justificative. Généralement, les deux interprétations conduisent au même résultat : par exemple,
l'individu qui fournit à une personne agressée les moyens de se défendre peut personnellement et
directement invoquer le fait justificatif de la légitime défense (d'autrui). Néanmoins, dans certaines
hypothèses, la différence de conception est déterminante, et la doctrine manifeste alors sa préférence
pour la seconde solution, afin d'écarter une impunité moralement choquante dans le cas exceptionnel
où les faits demeurent socialement nuisibles : ainsi semble-t-il logique d'engager - comme
coauteur ou complice - la responsabilité pénale de l'autorité légitime qui ordonne en toute connaissance
de cause d'accomplir un acte délictueux dont l'illégalité n'est pas manifeste pour son
exécutant349
,et celle de l'individu qui s'associe à un cas de légitime défense putative en ayant quant
). Notons par ailleurs qu'il arrive exceptionnellement que les textes relatifs aux faits justià
lui conscience de l'absence d'agression réelle (l'infraction justifiée peut alors servir de fait principal
punissable350
ficatifs traitent expressément du cas du complice. Ainsi, pendant que les alinéas 1 et 2 de l'article 1229
du Code pénal accordent l'irresponsabilité pénale aux lanceurs d'alerte qui commettent certaines
infractions nécessaires à la réalisation de leurs signalements, l'alinéa 3 indique que « le présent
article est également applicable au complice de ces infractions». Cette disposition est hélas
345. Cass. crim., 13 déc. 2011, nº 10-88699.
346. Rappr. Cass. crim., 8juill. 2015, nº 15-81986, approuvant un non-lieu prononcé au motif que, « dans un climat de peur d'abord nourri par
l'irruption des cambrioleurs en pleine nuit puis exacerbépar la frayeur ressentie au moment où le véhicule lui a foncé dessus, M. A. a tiré un
coup de feuproportionnéà l'attaque dont ilpouvait légitimementpenser faire l'objet».
347. Cass. crim., 21 juin 2023, nº 23-82050. V. art. 177, al. 2 CPP.
348. En ce sens, rappr. Cass. 2e
civ., 26mars 2015, nº 13-17257, Bull. civ. II,nº 79 : « ne présentent pas le caractère matériel d'une infraction, au
sens de l'article706-3 du Code de procédure pénale, les faits pour lesquels leur auteur bénéficie de la cause d'irresponsabilité pénale prévue
par l'article122-4, alinéa1, du Code pénal».
349. Mais il se peut que la Cour de cassation soit d'un avis contraire (Cass. crim., 27 oct. 2015, nº 14-84952).
350. V. infra,nº 521.
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