Cours - Droit pénal général - 6e - 35

L'élaboration de la loi pénale
revêt néanmoins une importance considérable : les textes doivent être appliqués, donc interprétés66
et
certaines décisions de justice sont minutieusement et abondamment commentées. Certains arrêts de
la Cour de cassation comprennent une motivation enrichie afin de faciliter leur compréhension, y
compris par des profanes. De surcroît, les juges dégagent parfois des « principes généraux du droit »
qui ne sont pas formulés expressément dans les textes mais qui sont conformes à leur esprit et à
leurs valeurs67
. La jurisprudence, qui n'est pas créatrice de droit, n'est qu'une source indirecte du droit.
49 Le rôle de la coutume. - Il peut arriver que des juges se réfèrent à des usages. Cependant, il ne
s'agit pas alors de déterminer les éléments constitutifs d'une infraction mais de reconnaître une
contradiction entre un comportement et les prévisions de la loi. Il en est ainsi pour les pratiques
commerciales trompeuses punies par l'article L. 121-2 du Code de la consommation : en l'absence d'une
réglementation précise, elles peuvent résulter d'une différence entre les qualités d'une marchandise et
les usages établis68
. La coutume est parfois présentée comme une justification d'une pratique qui
serait sinon prohibée. C'est le cas pour les courses de taureaux et les combats de coqs qui échappent,
sous certaines conditions, aux dispositions répressives sur les sévices graves ou actes de cruauté
envers les animaux mais il convient de relever que l'article 521-1 du Code pénal (donc la loi) prévoit
expressément cette exception : c'est donc bien la loi elle-même qui commande une limitation de son
champ d'application face à une tradition. Il était théoriquement plus difficile de soutenir la légitimité
d'une coutume qui, au nom d'un « droit de correction », admettrait des violences très légères administrées
à un enfant par ses parents, voire mais de façon plus contestable encore par un enseignant ou
un éducateur69
des mesures éducatives70
, étant précisé que des traitements dégradants ne peuvent jamais être admis comme
. Le fait pour une maîtresse d'une classe de petite section de maternelle
d'élever la voix en tenant des propos dévalorisants à l'égard de certains de ses élèves, de les malmener
physiquement en les tirant par les bras ou leurs vêtements, de leur donner de tapes sur la tête en les
« balançant » dans le couloir à titre de punition, de les malmener moralement en les punissant dans le
noir, de gifler l'un d'eux, d'adopter un comportement inadapté qui s'est manifesté de manière répétée
par des cris et par des brimades physiques, constitue des violences volontaires qui outrepassent les
manifestations d'autorité qu'un maître est autorisé à avoir à l'égard d'un élève turbulent71
.Désormais,
une telle « coutume éducative », à la supposer établie, s'opposerait en outre à l'article 371-1, alinéa 3,
du Code civil, issu de la loi du 10juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires,
selon lequel « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». La coutume
peut compléteretéclairerla loi mais elle n'est pas une véritable source du droit.
La jurisprudence et la coutume ayant été ainsi envisagées, doivent être exposées les sources
directes du droit pénal qui peuvent être d'origine interne (A) ou internationale (B).
66. V. infra, nº 187 à 209.
67. Certains principes généraux concernent le droit pénal de fond mais ils ne peuvent créer une incrimination ou prévoir une peine.
V. Cass. crim., 30mars 1944, Luze et Devaux, D. 1945, 246, note H. DESBOIS ;J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général,
éd. Dalloz, 8e
éd., 2012, nº 2 : la Cour de cassation reconnaît un « principe général d'après lequel l'intention criminelle est un élément constitutif
de l'infraction ».
68. Cass. crim., 17janv. 1996, nº 93-83887, Bull. crim., nº 30 : « en matière de fraude commerciale portant sur un produit non réglementé, les juges
du fond ont tout pouvoir pour reconnaître ou dénoncer l'existence d'un usage » ; 15mai 2001, nº 00-84279, Bull. crim., nº 121 ; 7 nov. 2006, nº 0680318,
Bull. crim., nº 274.
69. Les juges éprouvent en cette matière des difficultés à justifier juridiquement leurs décisions. Non sans une certaine audace, une cour
d'appel a ainsi trouvé dans le commandement de l'autorité légitime le fondement de la relaxe d'un maire qui avait giflé un adolescent insolent :
Douai, 10 oct. 2012, RSC2013,p. 343,obs. Y. MAYAUD.
70. Cass. crim., 2 déc. 1998, nº 97-84937, Bull. crim., nº 327.
71. Cass. crim., 7 nov. 2017, nº 16-84329, RSC 2017,p. 740,note Y. MAYAUD.
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