Cours - Introduction au droit - 9e - 114

INTRODUCTION AU DROIT
celledel'indépendance indiscutée, ne pouvait pas à la fois mettre à la porte les Américains de
l'OTAN et laisser la porte ouverte aux juges de Strasbourg.
Car, c'est là la marque de cette Convention, elle n'est pas un traité comme un autre. Ce n'est pas un
traité entre deux États créant des obligations entre eux, mais un traité entre un ensemble d'États50
s'imposant à eux-mêmes des obligations fondamentales et autorisant leurs nationaux à se plaindre
de leur non-respect devant une juridiction appropriée : la Cour européenne des droits de l'homme
qui siège à Strasbourg51
depuis 1959. Cette spécificité de ce traité (qu'il faut bien avoir présent à
l'esprit) conduit, en fait, à rajouter une déclaration des droits de l'hommeà celleincluse dans la
constitution : le problème juridique est là.
94 Lesdroitsdel'homme en surplomb du droit. - Il faut ajouter qu'avant la décision du 16juillet 1971
du Conseil constitutionnel, l'idéologie52
aujourd'hui53
des droits de l'homme n'avait pas pris l'ampleur qu'elle a
. La ratification de 1974 fut suivie d'une seconde décision, plus importante dans la pratique,
en 1981 (à l'initiative de Robert Badinter) : l'ouverture aux nationaux français du droit de recours individuel
devant la Cour de Strasbourg (autre point important à connaître avec précision).
V. Pour aller plus loin 44 : Robert Badinter.
Signalons que ce phénomène n'est pas purement européen. Il existe, au Canada, une Charte des
droits et libertés de la personne, au demeurant plus précise que la Convention européenne. Pour ce
qui est des États-Unis, la tradition du respect des droits fondamentaux est quasi inhérente à la
fondation de l'État fédéral lui-même (1803). Quant au Royaume-Uni, il s'est doté d'un Human Rights
Act en 1998 (en vigueur depuis le 2 octobre 2000) et de son côté la Confédération helvétique a largement
intégré les termes de la Convention dans sa nouvelle constitution du 18 avril 1999.
Pour revenir à la Convention européenne, l'on peut dire qu'elle fait quasiment office de « charte fondamentale
» de l'Europe54
. Toutefois, on est en droit de se demander si la place de cette Convention ne
va pas évoluer. L'Union européenne s'est dotée, à l'issue du Conseil européen de Nice des 7,
8 et 9 décembre 2000, d'une Charte des droits fondamentaux, qui semblait bien être le duplicata pur
et simple dans son esprit, sinon dans sa lettre, de la Convention55
. Pourtant, les premières
50. En 2006, ils sont 46, c'est-à-dire la quasi-totalité des États du continent Europe et en sus la Turquie, laquelle par la conquête de Constantinople,
jadis, a conservé une attache avec l'Europe qu'elle fit trembler durant deux siècles.
51. L'on parle couramment, par simplification, de la Cour de Strasbourg car il n'ya pas d'interférence possible avec une juridiction française. En
effet, par le hasard de l'histoire, la capitale de l'Alsace n'est le siège que d'un tribunal de grande instance, la cour d'appel occupant le palais de
l'ancien Conseil souverain d'Alsace à Colmar. Rappel : l'Alsace devint française en 1648mais Strasbourg simplement en 1681. Elle devint allemande
entre 1871 et 1918. Petite explication personnelle : l'Alsace n'a jamais été allemande pour la bonne et banale raison que lors de son rattachement
à la France en 1648, l'Allemagne en tant que pays n'existait pas...
52. Contrairement au français journalistique approximatif, le terme d'idéologie, par lui-même, n'a pas nécessairement une connotation négative ;
bien au contraire. Il signifie la structuration d'idées et leur mise en cohérence : du grec, idea et logos. Le mot est, effectivement, parfois utilisé
au sens de système intellectuel flou et vaseux, mais ce n'est pas son sens initial. Il y a donc une idéologie des droits de l'homme parfaitement
claire et reposant sur des valeurs déterminées. Il existe aussi une idéologie du « droit-de-l'hommisme » qui avance au petit bonheur et qui
relève de l'incantation. Les défauts redoutables de la seconde ne doivent pas affecter notre attachement à la première. Un juriste sait discerner
le vrai du faux. Une idéologie peut-elle engendrer une religion ? Sur cela, v. V. ZUBER, Le culte des droits de l'homme, Gallimard, coll. « Bibl. des
sciences humaines », 2014 : « La sacralisation implicite de la Déclaration des droits, credo révolutionnaire devenu républicain, pose la question
de l'existence d'une forme de religion civile dans la République, en dépit de sa laïcité revendiquée ».
53. D. GUTMANN,« Les droits de l'homme sont-ils l'avenir du droit ? », Mélanges Terré, 1999, p. 329 s. Lire dans le livre (précité) de P. d'IRIBARNE :
« Certes, le discours dominant célèbre la mise sous tutelle des citoyens qui en résulte en évoquant un " État de droit " . Mais cette célébration
passe totalement sous silence la vision corporatiste et les intérêts de ceux qui siègent dans les institutions concernées ainsi que les liens que
ceux-ci entretiennent, spécialement à l'échelle de l'Union européenne, avec des lobbies défenseurs d'intérêts catégoriels. ».
54. L. BURGORGUE-LARSEN,« La force de l'évocationoule fabuleux destinde la Charte des droits fondamentaux de l'UE », Mélanges Pactet, Dalloz,
2003, p. 77 s.
55. Aujourd'hui, ce texte qui a acquis une force contraignante depuis le 1er
déc. 2009, a en France une valeur supérieure à la loi. P. CASSIA et S. VON
COESTER,« L'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par le juge national », JCPG 2012, p. 503. spéc. nº 15 s. Il est
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