Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 136

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
(poursuite sur les biens propres et les revenus de la caution, dans la limite de la valeur du bien affecté).
De la sorte, lorsque le droit réel est inefficace, l'engagement personnel qui subsiste permet au créancier
de poursuivre les propres et revenus de la caution à concurrence de la valeur du bien affecté (qui
échappe à la saisie). La doctrine s'est empressée de critiquer une telle solution, en invoquant notamment
le principe selon lequel le cautionnement ne se présume pas, et doit être exprès (C. civ.,
art. 2292). Il a également étésoulignéque la volontédela caution n'était pas respectée. En effet,
lorsque celle-ci consent le cautionnement, elle pense y affecter seulement un bien et non engager
son patrimoine et ses revenus... La jurisprudence a alors réagi par un arrêt de la chambre mixte du
2 décembre 200562
, dans lequel elle énonce « qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette
d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'étant pas
dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, la cour d'appel en a exactement déduit que
l'article 1415 n'était pas applicable au nantissement de titres dématérialisés donné par le conjoint ».
Lorsqu'il est question d'une opération de « cautionnement réel » portant sur un bien commun, il
devrait alors être fait application des articles 1421 et 1424 du Code civil. Dans ce dernier cas, lorsque
l'acte est réalisé par un seul époux, il s'expose à la nullité (C. civ., art. 1427).
L'ordonnance du 23 mars 2006 a clos le débat (art. 50 II). Elle a fixé le comportement à adopter : par
l'ajout d'un second alinéa à l'article 1422 du Code civil (article évoquant la cogestion pour les actes à
titre gratuit), elle énonce que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, affecter l'un des biens de la
communauté à la garantie de la dette d'un tiers63
. Pour un tel acte, la cogestion est de
rigueur. Préciser les pouvoirs d'un époux de consentir un tel engagement sur les biens communs
devenait d'autant plus urgent que l'ordonnance consacre la garantie autonome dans le Code civil
dans un nouvel article 2321, et introduit des nouvelles dispositions de portée générale sur le nantissement
de meubles incorporels aux articles 2355 et suivants. La loi nouvelle n'étant pas interprétative, la
solution fixée par la Chambre mixte dans l'arrêt précité continue à s'appliquer aux contrats en cours
demeurés sous l'empire de la loi ancienne, suivant les règles habituelles du droit transitoire64
.
107 Mise en œuvre (effet pervers ?). - Trois points sont à noter, à propos de l'article 1415. D'une part,
ce texte empêche tout recours des créanciers envers les biens communs65
textenejoue pas seulement au titre de la contribution entre époux66
au titre de l'obligation.Le
donne son consentement67
àl'actesouscrit par l'autre mais n'yparticipepas68
.D'autre part, le second conjoint
: il autorise son conjoint
62. Cass. mixte 2 déc. 2005, préc.
63. Cf. RONTCHEVSKY N., Les dispositions relatives au droit des sûretéspersonnelles,Dalloz, 2006,p. 1303 et s., sp. nº 5.
64. Cass. 1re
civ., 20 févr. 2007, Dr. fam.,2007,comm. nº 89,et la note.
65. Mais non, comme le rappelle le texte, envers les revenus de l'époux caution. D'où subtile distinction entre un compte de dépôt alimenté par
le seul salaire de la caution et le compte épargne qui est, de droit, un bien commun : Cass. 1re
esp.), et la note.
66. « Viole l'article 1415 l'arrêt qui retient que les dispositions de ce texte concernent les rapports entre les époux et n'interdisent pas aux créanciers
de chacun d'eux, dont la dette est née pendant la communauté, d'en poursuivre le paiement sur les biens communs » Cass. 1re
1991, non pub. B. ; JCP 1992.I.21830 (2e
paulienne est exclue : Cass. 1re civ., 28mars 2008, JCP2008.I.152, nº 2, obs. Simler.
67. Les cautionnements souscrits unilatéralement par les époux n'établissent pas à eux seuls le consentement exprès de chacun d'eux à
l'engagement de caution de l'autre : Cass. 1re
B. Beignier ; RDbancaire et fin. 2019, comm. 122, obs. D. Legeais. V. déjà, Cass. 1re
Cass. 1re civ.,8mars 2005,nº 01-12734 ; Bull. civ.I,nº 115 ; JCPG 2005, IV, 1869 ; D.2005, p.1048 ; RDbancaire et fin.2005,comm. 83,obs. D. Legeais.
68. Lorsque les cautionnements sont recueillis au sein d'un même acte pour garantir la même dette et que l'un des cautionnements est
annulé, la seule signature au pied de cet engagement ne vaut pas consentement exprès au cautionnement de l'autre conjoint, emportant engagement
des biens communs en application de l'article 1415 : Cass. com., 29 sept. 2021, nº 20-14213 B ; RTDciv. 2022, 189, obs. Nicod ; Dr. fam. 2021,
nº 176, note Beignier ; JCPN 2022, nº 1160,obs.Richter ; D. 2021, 2166, note Molière ; AJfam. 2021, 688, obs. Casey.
136
civ., 13juin 2019, nº 18-13524, JCPN 2019, nº 29, act. 646,obs.S. Bernard ; Dr. fam. 2019, comm. 202, obs.
civ., 9mars 1999, nº 97-12357 ; JCPG 1999, I, 156, nº 4, obs. Simler ;
civ., 14janv. 2003, Bull. civ. I, nº 2 et 3,
JCP2003.II.10020 concl. J. Sainte-Rose ; Dr. fam. 2003, comm. nº 48 (2e
civ., 2juill.
esp.), note Le Guidec ; Defrénois1991. 1326, obs. Champenois ; RTDciv. 1991.771, obs.Bandrac ; l'action
Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e
