Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 150

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
Sous l'Ancien droit coutumier, le mari était « seigneur des meubles et conquêts immeubles par lui
faits durant et constant le mariage de lui et de sa femme » (art. 225 de la Coutume de Paris,
rédigée définitivement en 1580). Il pouvait en disposer comme un propriétaire2
.
Avec le Code Napoléon3
, il « administre seul les biens de la communauté. Il peut les vendre, aliéner et
hypothéquer sans le concours de la femme » (C. civ., art. 1421, rédaction de 1804).
Ses pouvoirs sont maintenus par la loi de 1965mais d'administrateur n'encourant aucune responsabilité
pour sa gestion, il devient responsable : « sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans
sa gestion » (C. civ., art. 1421, rédaction de 1965).
Depuis 1985, « Chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer,
sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion », et comme cela était prévu depuis
1965 toute fraude entraîne l'inopposabilité de l'acte à l'autre conjoint.
Sous l'Ancien droit il existait, dans le Midi, un procédé juridique que l'on dénommait le « paréage ». Il
consistait en ce qu'un fief a deux seigneurs et non pas un seul. Ce système, qui permit au Roi de
France d'étendre ses droits dans des provinces éloignées du domaine royal, est bien connu par le
dernier exemple qui survit : la principauté d'Andorre avec ses deux coprinces. On peut dire qu'en
matièredecommunautélégaleon est passédu mari «maître et seigneur » au « paréagedes deux
époux »4
.
Cette évolution était inévitable autant que souhaitable5
. On peut certes lui adresser un reproche. Elle
suppose la bonne entente entre les époux et tout désaccord entre eux peut avoir des conséquences
catastrophiques sur la gestion de la communauté. À cela on objectera qu'on conçoit difficilement à
l'heure présente qu'unemésententepuisseserésoudrepar un coup de force du mari auquel la
femme se soumettrait. Sans doute la mésentente rend impossible une cogestion de la communauté,
mais le droit contemporain, ne faisant qu'enregistrer les mentalités actuelles, renonce à résoudre
autrement cette situation que par la rupture du couple. Malgré tout, le droit du régime légal est fait
pour ceux qui vivent dans la paix et l'harmonie. Aux autres, la législation fataliste propose la séparation
même s'il est paradoxal, et peu louable, qu'en France on répugne plus à liquider une entreprise
en faillite qu'unefamilleen crise.
Cette évolution a conduit à des modes de gestion gradués. On aurait parfaitement pu, dans l'utopie
juridique, poser en règle que la communauté devait être gérée strictement comme une indivision (ce
qu'est le pacs, dans une certaine mesure6
), c'est-à-dire en requérant l'unanimité des copropriétaires
pour tout. Cela aurait été une source de complexité rapidement infernale de la vie quotidienne. À
l'extrême limite, il aurait été nécessaire d'aller à deux acheter la baguette de pain matinale. Le droit
des régimes matrimoniaux étant d'abord un droit patrimonial, la tradition juridique a toujours dissocié,
d'une manière ou d'une autre, les biens d'importance de ceux qui n'en ont guère. L'on entrevoit
d'emblée la première différence qui sera introduite.
2. POTHIER, Traité de la communauté, t. II, Paris, 1772, nº 467 s. La formule fut retenue sous forme d'un adage transcrit par Loysel (H. ROLAND et
L. BOYER, Lesadagesen droit français,Litec,nº 204).
3. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XIII, Paris, 1836, p. 669.
4. C'est d'ailleurs ce qu'avait prévu Cambacérès dans ses deux projets de Code civil, la communauté de biens entre époux donnait un « droit
égal à leur administration » à chacun des époux (FENET, op. cit., ibid.,p. 20 et 114).
5. Sur la situation avant 1985 : P. ROBINO, « La gestion des biens communs sous le régime de la communauté légale », Mélanges Brèthe de la
Gressaye,1967, p. 643 s.et G. GOURDET,« De l'égalité des époux dans le régime légal », RTDciv. 1981. 752 ; FLOUR et CHAMPENOIS, Defrénois,1996.289.
6. Cf. infra,nº 250 et s.
150

Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e