Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 19

Introduction
C'est là le paradoxe du concubinage3
.La loi sur les baux d'habitation, avec humanité et justice,
confère désormais au concubin survivant (de l'un ou l'autre sexe) le droit de continuer le bail en
cours conclu au nom du prédécédé. Le droit des baux se trouve donc tenu de prendre en compte le
concubinage et lui fait produire des effets juridiques qui aboutissent, en stricte doctrine juridique, à
atténuer le principe de l'effet relatif des contrats. Or cette même situation (puisque le concubinage
n'est qu'un fait et non un acte) se légitime par le refus de l'institution matrimoniale. Ce qui revient à
rejeter un engagement tout en en forçant un autre. Le concubinage contemporain, pleinement inscrit
dans nos mœurs désormais, est à l'image de la société dans laquelle nous vivons qui rejette l'État au
nom de la vie privée mais en invoque quotidiennement le soutien. Les concubins refusent le mariage
mais en espèrent les effets4
alors même qu'il leur est refusé. Ceux-là sont aujourd'hui entendus, la loi no
(chapitre 15). À l'inverse, il y a ceux qui désirent ardemment le mariage
2013-404 du 17mai 20135
ayant ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Au même titre que les couples mariés, les couples de concubins ou de partenaires ayant conclu un
Pacte civil de solidarité, doivent être appréhendés dans leurs relations patrimoniales. L'étude des
couples non mariés invite le lecteur à découvrir l'existence de véritables régimes patrimoniaux hors
des frontières du mariage.
4 Chacun pour soi. - C'est bien en cela que la crise de la famille en Europe6
est une crise intellectuelle
et morale. Si la famille était contestée en tant que telle, il n'y aurait plus que des célibataires ou des
unions dispersées. Ce n'est pas le cas. Les enquêtes démontrent, à l'inverse, que la famille est l'une
des valeurs maîtresses de ce monde incertain7
qui est le nôtre. Simplement chacun entend vouloir
établir ses propres règles et sa propre conduite. Le droit de la famille est naturellement plus affecté
que les autres pans du droit civil par cette civilisation de l'individualisme. La « privatisation » du droit
de la famille8
même droit, il y a deux siècles9
est le trait le plus fort de cette fin de siècle. Serait-ce alors l'échec de la laïcisation de ce
? Le Ciel serait-il en train de reconquérir ce que la Terre lui ravit jadis10
?
?
Le pacs sera-t-il la suprême défaite de la Déesse Raison et verra-t-on un jour les articles 144 et suivants
du Code tenus pour d'insupportables interpolations11
5 Permanence. - Mais, paradoxe sur paradoxe, cette crise ne paraît pas affecter, outre mesure, le
droit patrimonial de la famille. Ce n'est pas la moindre singularité. Ceux dont Bonaparte affirmait
péremptoirement que la loi devait les ignorer faute pour eux de la considérer, réclament dès lors le
bénéfice de cet antique droit napoléonien. La loi ne les tient plus à distance ; la jurisprudence leur
offre tous les droits traditionnellement assignés au mariage. Pourquoi donc n'y aurait-il pas des droits
patrimoniaux ? C'est donc que ce droit des régimes matrimoniaux présente bien des avantages et peu
d'inconvénients. De fait n'apparaît-il, en contraste avec les vieilleries du droit des libéralités, comme une
pièce vive et neuve sur l'habit râpé du droit du patrimoine ? Les lois de 1965 et 1985 ont systématisé
l'égalité des époux. Égalité des pouvoirs qui rejoint la traditionnelle égalité du partage. La femme,
3. « Des concubinages », Mélanges Rubellin-Devichi,Litec,2002.
4. Sur le régime patrimonial des concubins, cf. infra, nº 226 et s., chapitre 15.
5. JO nº 0114 du 18mai 2013, p. 8253.
6. E. SULLEROT, Legrand remue-ménage, Fayard, 1997.
7. L. ROUSSEL, La famille incertaine, O. Jacob, coll. Points, 1989.
8. La contractualisation du droit de la famille, Études juridiques, Economica.
9. Les remarques de R. LIBCHABER, RTDciv. 1998.224,sp. 229.
10. J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », Mélanges Ripert,t. I, p. 325 s.,LGDJ, 1950.
11. J. GAUDEMET, Le mariage en Occident, Le Cerf, 1987.
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