Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 225

Le principe de liberté de choix du régime matrimonial
comme un banal contrat. De là s'explique la procédure judiciaire29
de séparation ou de divorce ; de là
s'explique aussi le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales qu'il serait plus exact de
dénommer (depuis 1965), la mutabilité contrôlée. Contrairement à une opinion développée30
selon
laquelle les régimes matrimoniaux ne touchent que les seuls parents au titre de conjoints car la modification
profonde, par les avantages matrimoniaux, de la succession ordinairement attendue justifie, au
contraire, que les enfants puissent avoir leur mot à dire, sans pour autant que soit requis leur
consentement. Certes, on entend souvent dire que le contrat de mariage est la chose des conjoints31
.
La réponse est admissible avant la naissance des enfants mais pas après.
Ce contrôle simplement évolue notablement : confié exclusivement au juge, il l'est désormais, essentiellement,
au notaire. En effet, c'est le notaire, officierpublic, qui est responsable de procéder à cette
vérification32
, laquelle demeure comme par le passé d'une grande souplesse. Il convient ici de rappeler
que si lejugeexercela juridiction gracieuse, le notaire lui exerce ce que les arrêts du XIX siècle
e
dénommaient avec une parfaite qualification, la juridiction volontaire.Titulaire d'un office (et non
comme on le dit familièrement d'une charge), assermenté, soumis disciplinairement au parquet, donc
àl'autorité judiciaire, muni du sceau de l'État, délivrant l'exequatur, le notaire est le «juge des
contrats » qu'il enregistre. Le notaire ne se contente pas, en France du moins, de rédiger les contrats.
L'État, ce qui justifie son monopole dans diverses situations, lui délivre mandat de contrôler certains
actes, dans un souci d'effectivité du droit et de pacification des rapports sociaux. À ce titre, on peut
considérer que, d'une certaine manière, le notaire est mieux qu'un auxiliaire de justice, un suppléant
de justice.
Mais alors, que faut-il entendre par « intérêt de la famille » ? On peut retenir quelques éléments d'une
jurisprudence certes impressionniste mais cohérente. Il doit s'agir de l'intérêt de la famille33
, les époux
ne peuvent, par ce biais, organiser leur séparation : « L'existence et la légitimité de l'intérêt de la
famille doivent faire l'objet d'une appréciation d'ensemble,le seul fait que l'un des membres de la
famille risquerait de se trouver lésé n'interdisant pas nécessairement la modification ou le changement
envisagé »34
. Cet intérêt peut être purement fiscal35
tion de la communauté universelle par des époux en second mariage36
. Mais la jurisprudence veille à ce que l'adopne
soit pas un moyen de
29. Procédure qui n'est pas nécessairement judiciaire notamment depuis la réforme du divorce par consentement mutuel intégralement déjudiciarisé.
30.
M. BEAUBRUN, « Le nouvel article 1397 du Code civil : un texte transitoire ? », Defrénois2007,p. 95 s.sp. nº 11.
31. Sur la « privatisation de l'intérêt de la famille », v. M. Lamarche, Dr. fam. 2013, focus 39, note sous l'arrêt précité.
32. S. TORRICELLI-CHRIFI, « Le notaire, chef d'orchestre de la procédure ? », Dr. etpatr. déc. 2012, nº 220, p. 72.
33. Dans la mesure où la famille n'est pas une personne morale, l'intérêt de la famille se confond avec les intérêts de ses membres (A.-S. BRUNWAUTHIER,
Régimesmatrimoniaux, Paradigme, nº 624) ; pas d'intérêt collectif, d'intérêt commun en l'absence de reconnaissance juridique du groupe
familial (I. DAURIAC, Les régimesmatrimoniaux et lepacs, nº 268) ; v. néanmoins : l'intérêt de la famille est respecté dès lors que le changement est
voulu par les époux, sous réserve des cas de fraude (TGI Lille, 16mai 1967, JCP1968.II.15370) ; J. PATARIN,M. GOBERT, « Mutabilité ou immutabilité des
régimes matrimoniaux », JCP1969.I.2281.
34. Arrêt important et premier de ligne : Cass. 1re
nois, 1976. 787, note Ponsard ; RTDciv. 1978.123, obs.Nerson ; Cass.1re civ., 17juin 1986, Bull. civ. Inº 279, JCPN 1986 II 250 ; 22juin 2004, Dr. fam.
2004, note B.B., nº 182. Exemple de refus : CA Paris, 16 févr. 1999 (affaire du Comte de Paris), Dr. fam. 1999, comm. 85 et la note. Doctrine :
M.-J. REYMOND DE GENTILLE, « Volonté des époux et rôle du juge dans la modification du régime matrimonial », JCP1973.I.2553 ; M. HENRY,« L'intérêt de
la famille réduit à l'intérêt des époux », D. 1979, chr. p. 179.
35. Poitiers, 2juill. 1969, JCP69 II 16075 ; Amiens, 9mai 1977, Defrénois1977, 1343. C'est différent s'ils souhaitent soustraire des biens aux poursuites
du fisc et organiser leur insolvabilité. Là, v. fraude. ; même si aujourd'hui l'exonération des droits de succession pour le conjoint survivant
neutralise cet intérêt depuis la loi TEPA du 21 août 2007, mais il s'agit de mesures fiscales qui, on le sait, sont mouvantes.
De même, la loi TEPA du 27 mars 2007 a supprimé les droits de mutation entre époux et partenaires.
36. Particulièrement la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant des époux qui retarde la
vocation successorale pour les enfants des deux époux mais peut priver de leur part les enfants d'un premier lit. Cependant, c'est sans
compter avec l'action en retranchement prévue pour ces derniers. Les mécanismes légaux permettent une protection des descendants issus
d'un premier lit en cas de changement de régime matrimonial qui entraînerait la constitution d'un avantage matrimonial. Une telle protection
légale existant, le changement d'une telle sorte ne peut être reconnu contraire à l'intérêt de la famille.
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civ., 6janv. 1979 (Alessandri), D. 1976. 253, note Ponsard ; JCP1976.II.18461, note J. Patarin ; Defré
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