Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 75

LA LOI : LE RÉGIME LÉGAL SUPPLÉTIF
Quelles étaient ces garanties ? En premier lieu, la femme pouvait solliciter le prononcé de la séparation
de biens qui aboutissait à une liquidation anticipée de la communauté qui prenait aussitôt fin,
empêchant le mari de poursuivre sa gestion imprudente. Ensuite, il y eut (Coutume de Paris, art. 237
= C. civ., art. 1443) la possibilité de renoncer à la communauté, au cas où la femme pouvait redouter
quelepassif decelle-ci soit supérieur à l'actif qu'elle pouvait espérer en tirer. Puis, le bénéficie d'émolument
(Coutume de Paris, art. 238 = C. civ., art. 1483) permettant à la femme de limiter sa contribution
au passif à hauteur de ce qui lui revenait à titre d'actif. Vint, la théorie des récompenses qui permet
aujourd'hui encore le maintien des patrimoines respectifs des époux. Finalement, la femme se vit
accorder l'hypothèque légale.
Ainsi se présentait la situation de la communauté à la veille de la révolution. On aurait pu penser que
les événements de cette dernière auraient conduit à une mise à plat de ce régime et une orientation
vers uneplusgrandeégalitéentre lesépoux. Il n'en fut rien. Les successifs gouvernements révolutionnaires
eurent d'autres préoccupations que la législation civile et ce fut au Consulat, avec le Code
civil, qu'incomba le soin de remanier celle-ci.
Si, dans l'ensemble, les discussions portant sur la rédaction du nouveau Code furent des débats entre
quelques juristes aguerris et libres de toute pression politique, force est d'admettre qu'il n'en fut pas
ainsi lorsqu'ils abordèrent ce que l'on dénomme aujourd'hui le droit patrimonial de la famille. Le temps
avait forgé entre la France septentrionale et la France méridionale des traditions dissemblables,
lesquelles étaient liées à des sociétés dont les modes de vie se trouvaient bien éloignés les uns
des autres. La bataille fut l'une des plus rudes qui soient et démontra que, sans l'énergie politique
de Bonaparte et sa détermination, le Code n'aurait pu unifier la loi civile.
Maleville (qui était le secrétaire de la Commission de rédaction, originaire de Bordeaux) souhaitait, à
l'instar des autres méridionaux, que l'on conservât deux systèmes qui auraient conduit à des
régimes légaux gémellaires. Celui du Nord avec la communauté, et celui du Midi avec la dot. Si la révolution
avait été gagnée par les Girondins, c'est certainement cette solution, plus raisonnable qu'il n'y
paraît et tout aussi pratique qu'une autre, qui aurait prévalu. Mais le pouvoir avait trop été marqué
par le passage des Jacobins et il était présentement détenu par un militaire, pour que cette solution
médiane puisse sérieusement l'emporter. On s'en remit à un compromis. Le régime de communauté
et le régime dotal étaient tous deux consacrés par le Code mais avec un statut dirimant pour le
second. Le premier devenait le régime légal tandis que le second ne pouvait être adopté que conventionnellement.
Quant
au régime de communauté lui-même, peu de modifications substantielles lui étaient apportées.
Durant tout le XIX
e siècle, la loi civile ne varia pas plus que le franc germinal. En revanche en quatrevingts
ans, entre 1907 et 1985, la communauté connut de rapides changements qui allèrent tous dans
le même sens : l'émancipation de la femme mariée et finalement l'égalité complète entre les époux.
57 Conquêtes féminines. - Ce fut, tout d'abord, la loi du 13juillet 1907 qui institua les biensréservés.Il
s'agissait de préserver les biens que l'épouse pouvait acquérir par son travail, à la fois les revenus
provenant de ce travail et les biens achetés avec ceux-ci. La loi lui en accordait la libre disposition.
Certes ces biens continuaient (d'ailleurs normalement) à tomber dans la communauté mais, sur le
terrain des pouvoirs, ils étaient administrés par la seule femme qui pouvait même, dans certains cas,
en disposer également. Cette avancée plus spectaculaire qu'il n'y paraît aujourd'hui, contenait en germe
toute la suite de l'évolution. En effet, pour qui était faite cette loi ? La petite bourgeoisie des classes
moyennes. Or dans ces catégories sociales (les choses n'ont guère changé), l'essentiel du patrimoine
provenait des revenus du travail et ce qui était acquis l'était par les produits du travail. Dès lors, le
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