Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 84

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
Enfin, concernant la prescription acquisitive (usucapion), si le délai a commencé à courir avant le
mariage et qu'il est atteint après, le bien demeure propre en vertu de l'article 1405 du Code civil.
2. La nature des gains et salaires à leur perception
65 La seconde difficulté tient à la qualification des gains et salaires à leur perception; sont-ils propres,
sont-ils communs ?
La discussion portait, en fait, sur l'interprétation de l'article 1401 du Code civil. Ce texte pose bien en
principe que constituent des acquêts les richesses « provenant tant de leur industrie personnelle que
des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ». Comment comprendre le vœu
du législateur, en particulier à propos du salaire ? Devait-on considérer que le salaire était commun
dès sa perception ou que seuls les biens acquis par investissement tombaient dans la communauté ?
Deux opinions radicalement opposées furent exprimées. Henri Mazeaud15
que de propres. Mais pour le reste (amplement majoritaire) de la doctrine16
,soutint qu'il ne pouvait s'agir
,on ne peut que voir là des
communs. L'argument invoqué par Mazeaud ne tenait d'ailleurs pas en exégèse. En effet, l'article 1403,
alinéa 2, dispose, à propos des fruits des biens propres, que « la communauté n'adroit qu'aux fruits
perçus et non consommés ». Par déduction, on en conclut que leur seule perception suffit. Par
ailleurs, Henri Mazeaud mélangeait à dessein une règle de pouvoir avec un principe de qualification.
En effet, dans sa rédaction issuedela loi de 1965, l'article 224 du Code civil disposait que « chacun
des époux perçoit ses gains et salaires et peut en disposer librement après s'être acquitté des
charges du mariage » (par suite de la réforme de 1985, ce texte figure aujourd'hui dans l'article 223,
sans changement notable). Pour autant ce texte n'a jamais dit que les revenus étaient des propres.
C'est, au reste, l'une des modifications sensibles du droit du régime légal, que n'avait pas bien perçu
Mazeaud17
,que d'attribuer des pouvoirs individuels sur des biens communs. Le salaire se distingue
donc de certains biens communs par les pouvoirs sur ceux-ci que seul détient celui qui le reçoit. Et
uniquement le salaire (ou l'équivalent : traitement, honoraires, commissions, émoluments, revenus
commerciaux etc.) car les avantages en nature, eux, tombent directement dans la communauté
et sont soumis aux règles ordinaires de gestion.
Le débat est aujourd'hui clos. La Cour de cassation a tranché définitivement la question dans un
arrêt très important du 8 février 197818
. Ainsi les revenus d'un époux sont communs « dès lors qu'ils
trouvent leur origine dans son activité antérieure à la dissolution de la communauté, même s'ils sont
15. Une première chronique avant la loi : « La communauté réduite à zéro », JCP1963.I.1778 puis une seconde « La communauté réduite au bon
vouloir des époux », D. 1965, chr. 91 ; v. également, R. SAVATIER, La communautéconjugale nouvelle, D. 1970, nº 22.
16. A. COLOMER, « La suppression du droit de jouissance de la communauté sur les biens propres des époux », D. 1966, chr. 23 ; M. BRAZIER,« À
propos de la réforme des régimes matrimoniaux, la communauté fantôme », JCP1966.I.1984 ;
A. PONSARD, « Commentaire de la loi du 13juill. 1965 », D. 1966.137 ;CORNU, JCP1967.I.2128 ; P. PATARIN, « La réforme des régimes matrimoniaux », Defrénois,
1966, art. 28830. Renouveau du débat après la loi de 1985 : MONTANIER, « Les gains et salaires des époux communs en biens », JCPN 1985.I.170.
17. V. également sur la qualification particulière de « biens communs à titre posthume », les gains et salaires restant propres durant le régime,
mais tombant en communauté à la dissolution s'ils sont perçus mais non employés ou non encore perçus : H., L. et J. MAZEAUD et M. DE JUGLART,
nº 129.
18. Cet arrêt est bien celui qui a fixé le principe, mais il n'est pas évident à lire, car rendu au sujet d'une saisie-arrêt, il doit s'interpréter par a
contrario. Bull. civ. I, nº 53, D. 1978.IR.238, obs. Martin ; Defrénois, 1978, p. 879, note Champenois, Gaz. Pal. 1978. 2.361, note Viatte ; JCPN 1981.II.114,
note Thuillier ; RTDciv. 1979. 592, obs. Nerson et Rubellin-Devichi. Sur cet arrêt : A. PONSARD,« L'interprétation par la Cour de cassation de la loi du
13juill. 1965 sur les régimes matrimoniaux », Mélanges Flour, p. 399 et 400. Antérieurement à l'arrêt de 1978, ce fut la jurisprudence bordelaise
qui apporta de la clarté : TGI Bordeaux, 17juin 1969, JCP1970.II.16561, obs. Couturier, D. 190. 434, note Morin ; Gaz. Pal. 1969. 2.183, RTDciv. 1970. 557,
obs. Nerson, confirmé par un arrêt de CA Bordeaux, 5janv. 1971, D. 1971.155,note Morin, RTDciv. 1971. 374, obs. Nerson.
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