Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 88

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
La question avait fait l'objet de longues discussions. Au début du siècle, la cour d'appel de Paris
(affaire Lecoq) estimant que le droit moral l'emportait sur le droit pécuniaire et que le premier étant
nécessairement propre, avait jugé que l'intégralité des droits découlant de la propriété littéraire et
artistique échappait à la communauté44
fonda, en principe, qu'il fallait distinguer le droit moral (propre) du droit pécuniaire (commun)45
affirma plus encore sa jurisprudence dans une fameuse affaire « Bonnard »46
qui distingue le droit moral du droit pécuniaire.
. La Cour de cassation ne suivit pas cette argumentation et
. Elle
, dans laquelle elle avait
jugé que les œuvres tombaient en communauté, sauf si l'auteur avait manifesté son droit de repentir.
La question est aujourd'hui réglée par le Code de la propriété littéraire (qui codifie, entre autres, la loi
du 11 mars 1957)47
Ainsi, l'article L. 121-9 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose en son alinéa 2 que : « Les
produits pécuniaires provenant de l'exploitation d'une œuvre de l'esprit ou de la cession totale ou
partielle du droit d'exploitation sont soumis au droit commun des régimes matrimoniaux, uniquement
lorsqu'ils ont été acquis pendant le mariage ; il en est de même des économies réalisées de ces
chefs », et l'alinéa 1er
dispose que « Sous tous les régimes matrimoniaux et à peine de nullité de
toutes clauses contraires portées au contrat de mariage, le droit de divulguer l'œuvre, de fixer les
conditions de son exploitation et d'en défendre l'intégrité reste propre à l'époux auteur ou à celui
des époux à qui de tels droits ont été transmis ».
Le droit de divulgation de l'œuvre demeure donc propre à l'artiste, puisqu'il s'agit d'un droit moral, et
donc, extrapatrimonial. Il en est de même du monopole d'exploitation (c'est-à-dire le droit de passer
les contrats relatifs à l'exploitation de l'œuvre). En revanche, les revenus issus de l'exploitation de
l'œuvre ou de sa cession, les redevances48
,les droits d'auteur, tombent en communauté, lorsqu'ils
sont perçus pendant le mariage49
, de même que les économies réalisées de ce chef. Quant aux arts
plastiques, si l'œuvre a été créée pendant le mariage, le support matériel est considéré comme
commun, en vertu de la règle selon laquelle la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété
de l'objet matériel50
mariage constituent des acquêts de communauté51
. Concernant les artistes-interprètes, les interprétations réalisées durant le
.
À cesujet unediscussion s'était élevée : quid des œuvres inachevées (les juristes connaissent
l'esquisse du portrait de l'instigateur du Code civil par David) ? Malgré l'opposition des cours d'appel,
la Cour de cassation52
jugea qu'elles tombent en communauté, sauf s'il est avéré que l'artiste avait
44. CA Paris, 1er févr. 1900, D. 1903. 2.8 ; S. 1900. 2.121, note Saleilles.
45. Cass. civ., 25juin 1902, D. 1903.1.5, note Colin ; S. 1902. 1. 305, note Lyon-Caen.
46. Cass. 1re
civ., 4 déc. 1956, Bull. civ. I, nº 440, JCP1959.II.11141, 1er arrêt, note A. Weill.
47. Quid lorsque les époux s'étaient mariés avant l'entrée en vigueur de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ? On notera
cet arrêt rendu par la cour d'appel de Paris à propos d'œuvres de la main de Fernand Léger, au terme duquel les œuvres créées avant l'entrée
en vigueur de la loi du 11 mars 1957 conservent leur statut matrimonial antérieur, le monopole d'exploitation étant alors un bien de communauté.
L'article 25 de la loi (devenu l'article L. 121-9 du Code de la propriété intellectuelle) qui dispose que, sous tous les régimes matrimoniaux, le monopole
d'exploitation est un bien propre - les produits de l'exploitation (redevances, prix de cession d'un droit, etc.) étant quant à eux communs -
n'est applicable qu'aux œuvres divulguées après le 11 mars 1958, CA Paris, 9 févr. 2005,
JurisData nº 2005-265186 ; Dr. fam.,déc.2005,
comm. nº 273, note C. Alleaume. V. également, la jurisprudence antérieure : Cass. civ., 14 mai 1945 (arrêt Canal); D. 1945. 285, note H. Desois ; S. 1945.
1. 101, note H. Batiffol ; JCP1945.II.2835, note Cavarroc ; v. également, Cass. 1re
civ., 3 déc. 2002, D. 2003.Somm. 1867,J. Revel.
48. La jurisprudence considère que les redevances perçues après la dissolution du mariage, pour une œuvre créée pendant le mariage, demeurent
propres : CA Paris, 22 avr. 1985, D. 1985. 397, note Ghestin ; JCP1983.II.19948, note Gobin.
49. En revanche, les droits d'auteur perçus après la dissolution de la communauté sont « propres ».
50. Une jurisprudence récente à ce sujet : Cass. 1re
de meubles et acquêts).
51. Cass. 1re
civ.,19 nov.2008, JurisData nº 045910 ; JCP2009.I.140, nº 11, obs. Simler.
52. Le célèbre arrêt Bonnard: Cass. 1re
civ., 4 déc. 1956, Bull. civ. I, nº 440, JCP1959.II.11141, note Weill ; RTDciv. 1957. 324, note Desbois ; sur renvoi,
Orléans, 18 févr. 1959, D. 1959. 440, note Desbois.
88
civ.,12mai 2011,nº 10-15667, JurisData nº 2011-008330 (régime matrimonial de la communauté
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