Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 8e - 89

La composition de l'actif commun
l'intention (exercice du droit de repentir) de détruire l'œuvre. Au fond, le critère est de savoir si c'est la
mort ou l'artiste qui a empêché l'achèvement.
68 Offices et clientèles. - Ce qui a posé plus de difficultés ce sont les qualifications à retenir pour la
mais aussi de celle résultant de la
valeur patrimoniale des officesnotariaux ou ministériels (huissiers, commissaires-priseurs, greffiers des
tribunaux de commerce, etc.) ou encore des officines de pharmacie,53
constitution des clientèlesciviles (médecins, avocats, etc.).
La discussion porte depuis longtemps sur le sort des offices ministériels et des clientèles civiles. On
sait qu'en matière d'offices ministériels (depuis la loi du 28 avril 1816 en son article 91 ; texte cité le
plus souvent en annexedansleCodecivil)on distingue le titre de la finance.
Le titre,c'est-à-dire la fonction, est strictement personnel à son titulaire tandis que la finance,c'est-àdire
non pas le prix d'achat de la charge au gouvernement (la vénalité des offices n'a pas été ressuscitée)
mais le prix versé au sortant par l'entrant en rétribution de sa présentation comme
successeur54
, est le sujet de controverses : propre ou commun ?
Deux thèses s'affrontent55.Pour les uns56 (c'était la majeure partie de la doctrine après la loi de 1965),
il ne faut pas distinguer ; c'est la thèse moniste unissant titre et finance. Les arguments sont, d'une
part, que la distinction des deux, malgré l'apparence, ne garantit pas l'indépendance véritable de l'officier
(car en cas de cession de l'office il faut l'accord des deux conjoints depuis l'instauration de la
cogestion pour les actes d'importance) et que, d'autre part, il n'y a pas lieu d'apporter la division là
où règne l'unité. Les tenants de cette position se fondent sur le fait que les termes de l'article 1404
alinéa second57
sont généraux : ubi lex non distinguit nec nos debemus distinguere (là où la loi ne
distingue pas nous non plus ne devons pas distinguer).
Pour les autres (MM. Colomer, Malaurie et Aynès, Champenois et très ferme Cornu), il faut séparer titre
et finance. Le titre est propre, la finance est commune58
.Quel est l'intérêt de cette distinction ? En
l'absence de ce dualisme, le bien serait qualifié de propre en raison de son lien exclusif avec son titulaire
mais également en ce qu'il est nécessaire à la profession de l'époux, à charge de récompense au
profit de la communauté (art. 1404 al. 2). En faveur de cette position, on fait ordinairement remarquer
que, sur un plan purement pratique, il est préférable de dire qu'un bien est commun plutôt que de le
qualifier de propre soumis à récompense. En effet, l'apparente protection issue du mécanisme des
récompenses de protection est complexe, non dépourvu de risque au regard des intérêts de la
53. Sur ce point particulier, quelques précisions. L'article L. 576, al. 2, du Code de la santé publique prohibe toute copropriété avec une personne
non diplômée, mais en fait ce qui est interdit c'est qu'un non-pharmacien puisse participer à l'activité de l'officine. Concrètement ce texte
n'empêche nullement l'application aux pharmacies de la même jurisprudence que celle que l'on va étudier au sujet des offices notariaux. Même
s'il existe peu de cas en jurisprudence (les époux dans une telle situation sont prudents et optent pour le régime de séparation), l'arrêt de principe
est le suivant : Cass. 1re
civ., 18 oct. 2005, Bull. civ. I, nº 373 ; JCP2006.I.141, nº 17, obs. Simler ; Defrénois2006. 177, note Souhami ; AJfam. 2006. 115,
obs. Hilt ; RJPF2006-2/30, note Vauvillé : « la propriété de l'officine était réservée aux personnes titulaires du diplôme de pharmacien mais que la
valeur du fonds de commerce tombait en communauté » ; adde Cass. 1re
civ., 4 déc. 2013, nº 12-28076 ; JCPN 2014, nº 1099, obs.
V. Barabé-Bouchard ; RTDciv. 2014. 937, obs. Vareille ; RTDcom. 2014. 306, obs. Saintourens ; JCP 2014, nº 668, note Simler ; AJfam.2014. 62, obs.
Hilt ; Defrénois 2014, 1193, note Champenois ; Dr. fam. 2014, nº 3, comm. 3.
54. Cass. 1re
civ., 16juill. 1985, JCP1986.II.20595, note Dagot : « si l'office notarial et le titre de notaire ne sont pas dans le commerce, le droit, pour
le notaire, de présenter un successeur à l'autorité publique constitue un droit patrimonial qui peut faire l'objet d'une convention régie par le
droit privé ».
55. G. CHABOT, « Retour sur la distinction du titre et de la finance », inMélanges en l'honneur du Professeur RaymondLe Guidec, LexisNexis, 2014.
56. G. PAISANT, « Peut-on abandonner la distinction du titre et de la finance en régime de communauté ? (Contribution à l'étude des propres par
nature) », JCPN 1984.I.19. Le célèbre arrêtiste Labbé avait soutenu cette thèse (qualification unique de propre sous réserve d'une récompense à
la communauté) : Req., 6janv. 1880, S. 1881. 1.49.
57. « Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de
l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté ».
58. LAMBERT-PIETRI,« L'avenir de la distinction du titre et de la finance dans la communauté légale », D. 1982, chr. 65.
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