Droit et Société - L'État post-moderne - 6e - 127

Chapitre 2 nLes transformations du droit
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d'Europe continentale, au droit coutumier, placé sous le signe de la
diversité. Concentrant entre ses mains le pouvoir de contrainte, l'État
entend devenir la source exclusive du droit, tout comme le seul
détenteur de la force matérielle (N. ELIAS, 1969) ; et l'ordre juridique
étatique va imposer progressivement sa suprématie, en se substituant,
ou en se superposant, aux ordres juridiques préexistants et en devenant
le seul cadre juridique de référence pour l'ensemble de la collectivité.
Cette promotion s'est doublée de profondes modifications dans la
configuration de l'ordre juridique : poussant la rigueur formelle
beaucoup plus loin que les autres, l'ordre juridique étatique se
caractérise par la rationalisation du processus de production du droit,
confié à des organes spécialisés, aux compétences bien définies ; et
l'exécution des normes est garantie par l'intervention d'appareils de
contrainte chargés de réprimer lesmanquements éventuels. L'État tend
à devenir l'« ordre juridique total » (H. KELSEN, 1934), qui intègre et
ramène à lui tous les autres.
Ainsi, le droit moderne est-il conçu selon un « modèle pyramidal » :
l'État apparaît comme la seule source du droit, le seul foyer de
juridicité ; et la règle de droit prend la forme de commandements
impératifs, qui doivent être exécutés sous la menace de sanctions.
L'univers juridique moderne se présente comme un « ordre euclidien »
(il n'existe qu'un seul espace juridique, l'espace étatique) et il repose
sur une « logique aristotélicienne » (les solutions applicables aux cas
d'espèce étant déduites de règles générales) (F. OST, M. VAN DE
KERCHOVE, 2002). Ce faisant, le droit apparaît comme l'incarnation
même de la Raison.
1° Cette rationalité présumée du droit est attestée par ses attributs
intrinsèques. D'abord, la systématicité : le droit se présente comme une
totalité cohérente, un « ordre » unitaire, c'est-à-dire un système de
normes solidaires et hiérarchisées, reliées entre elles par des relations
logiques et nécessaires ; cette systématicité lui confère clarté, simplicité,
certitude, attributs qui sont considérés comme inhérents à tout
droit. Ensuite, la généralité : la réalité sociale est appréhendée par le
droit à travers le prisme de concepts abstraits, regroupés en catégories
de plus en plus larges et compréhensives ; les solutions applicables aux
cas particuliers peuvent être déduites de règles générales. Enfin, la
stabilité : s'inscrivant dans la durée, les normes juridiques sont
assurées d'une certaine permanence ; ainsi, chacun a-t-il la possibilité
de prévoir à l'avance les conséquences de ses actes et de connaître la
règle qui s'appliquera à lui.
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