Précis Domat - Droit constitutionnel et institutions politiques - 38e - 263

LA CONSTITUTION
dérivé, car un peuple, est toujours maître de changer ses lois, même les meilleures
(J.-J. Rousseau). Toutefois, la banalisation de la révision constitutionnelle (visible en
France entre 1992 et 2008) finit par relativiser l'importance de la constitution en tant
que norme suprême. Entre l'intangibilité (celle touchant de nos jours de facto la
constitution américaine) et l'instabilité constitutionnelle, un équilibre subtil doit
être préservé37
.
Une question controversée consiste à s'interroger sur le point de savoir si la cou.
Cependant, on observe que la
. Des changements constiRépublique
dans une
e siè.
On pensera, par exemple, à l'évolution de la IIIe
). C'est ainsi que l'on sait, par
tume dite abrogative ou contra legem, peut également réviser une constitution. D'un
strict point de vue juridique, la réponse est négative38
pratique peut être aussi à l'origine de révisions. Tel un palimpseste (M. Prélot), un
texte peut être effacé et recouvert d'une seconde écriture39
tutionnels sont donc visibles sans, pour autant, qu'un processus de révision soit
entamé40
logique de régime d'assemblées après le discours de J. Grévy en 1879 ou, aux
États-Unis, la transformation du gouvernement congressionnel de la fin du XIX
cle (W. Wilson) en une présidence impériale des années 1970 (J. Schlesinger).
Enfin, la constitution fait l'objet d'interprétations par les autorités chargées d'en
faire assurer le respect (le président de la République - art. 5C - et le Conseil
constitutionnel - art. 61 et 61-1 C - en France41
exemple, que l'article 11 C a été utilisé afin de réviser la constitution
immuablement la même silhouette. V.O.BEAUD, La puissance de l'État, 1994 ; J. BENETTI,B. MATHIEU,
M. VERPEAUX (dir.), Révision de la Constitution : mode d'emploi, 2017 ; T. KHABRIEVA, La réforme constitutionnelle
dans le monde contemporain, 2019 ; C. KLEIN, Théorie et pratique du pouvoir constituant,
1996 ; F. MODERNE, Réviser la constitution. Analyse comparative d'un concept indéterminé, 2006.
■ 37. V. P. PACTET, La désacralisation progressive de la Constitution de 1958, Mélanges Avril, 2001,
p. 389. L'article 284 de la constitution portugaise du 2 avril 1976 prévoit, sauf décision contraire de
l'Assemblée nationale à la majorité des quatre-cinquièmes, qu'un délai de cinq ans doit être respecté
entre deux révisions de la Constitution.
■ 38. Carré de Malberg a tranché la question : La caractéristique de la constitution est d'être une loi
possédant une puissance renforcée. La notion de constitution ne se trouve réalisée qu'à cette condition...
Il y a dès lors incompatibilité entre constitution et coutume, la coutume ne possédant pas la force supérieure
qui caractérise le droit vraiment constitutionnel (Contribution à la théorie générale de l'État, t. II,
1920-1922, p. 582). V. J. CHEVALLIER, La coutume et le droit constitutionnel, R.D.P. 1970, p. 1375 ;
J.-Cl. MAESTRE. À propos des coutumes et des pratiques constitutionnelles : l'utilité des constitutions,
ibid., 1973, p. 1275 ; D. LÉVY,De l'idée de coutume constitutionnelle à l'esquisse d'une théorie des sources
du droit constitutionnel et de leur sanction. Mélanges Charles Eisenmann, 1975, p. 81.
■ 39. Le fait majoritaire a donné naissance à la constitution politique de la Ve
(J.-Cl. COLLIARD) (v. IIIe
République
partie).
■ 40. Jellinek distinguait, en 1906, la révision de la Constitution (Verfassungänderung) et la mutation de
la Constitution (Verfassungwandlung). Voir Les mutations constitutionnelles, Société de législation comparée,
vol. 20, 2013 ; M. ALTWEGG-BOUSSAC, Les changements constitutionnels informels, LGDJ, 2013.
■ 41. Dans une vision élargie, on pensera aussi aux juridictions ordinaires administratives et judiciaires
qui peuvent se comporter aussi tels des juges constitutionnels. Ainsi, une circulaire du ministère de l'Intérieur
établissant une politique d'évacuation des campements illicites en désignant spécialement certains de
leurs occupants en raison de leur origine ethnique est-elle annulée par le Conseil d'État pour violation du
principe d'égalité garanti par l'article 1er
de la Constitution de 1958 (C.E., 7 avril 2011, Assoc. SOS
Racisme, req. nº 343387). Pareillement, le Conseil d'État s'est assuré de la constitutionnalité de
l'article R. 750-1 du Code de procédure civile (dès lors qu'il n'a pas été pris en application de la loi)
(C.E., 22 septembre 2022, C.N.B., nº 436939). On l'a compris, il s'agit de situations, assez rares doit-on
convenir, où la théorie de la loi-écran (C.E., Sect., 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. p. 966) ne trouve pas
às'appliquer (v. supra, nº 215).
Première partie : Les fondements du droit constitutionnel
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