Manuel - Contentieux administratif- 12e - 39

Les juridictions administratives
dernier type de rejet par voie d'ordonnance est réservé au Conseil d'État et
aux cours administratives d'appel68
.
Rappelons-le : dans tous les cas, le rejet par voie d'ordonnance est une simple
faculté. Les présidents et vice-présidents de juridictions et les présidents
de chambres, qui décident de la façon dont la requête sera traitée (juge
unique ou non), peuvent la confier à une formation collégiale, ce qu'ils feront
en cas de doute ou encore, plutôt que d'écarter une requête comme « manifestement
dépourvue de fondement », afin de rediscuter de la jurisprudence sur
laquelle elle bute.
23. Les requêtes relevant d'une série (articles R. 122-12, 6º et
R. 222-1, 6º du code). - Le dispositif relatif aux « séries » ne vise pas les
requêtes nécessairement vouées au rejet. Il concerne les demandes semblables
présentées par un nombre important de requérants et permet leur
traitement rapide que celui-ci conduise au rejet ou à l'accueil des conclusions
(une série peut être évitée par l'exercice d'une « action collective »,
infra nº 123).
La notion de série est apparue, dans le droit positif, en réaction aux
27 000 requêtes déposées entre 1991 et 1992, relatives au cumul du supplément
familial de traitement. Il a alors semblé nécessaire de doter les juridictions
d'outils leur permettant de régler rapidement ces demandes qui présentaient
les mêmes questions à juger. C'est l'objet de la loi du 8 février 1995.
Une « série » est constituée lorsque la juridiction est saisie d'un nombre
relativement important d'affaires69
semblables, c'est-à-dire, comme le précise
.Lorsqu'une demande relele
code, d'affaires qui, « sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de
faits », soulèvent les mêmes questions de droit70
vant d'une série a donné lieu à une décision « devenue irrévocable »71
rendue
de façon collégiale soit par la juridiction saisie de la série, soit par une cour
administrative d'appel soit par le Conseil d'État (dans ce dernier cas, il peut
68. S'agissant des ordonnances rendues par les cours, le CE ne contrôle pas l'appréciation qu'elles ont
portée sur le caractère «manifestement non fondé » de la requête, sauf « abus » de leur part (CE, sect., 5 oct.
2018, nº 412560, Sté Finamur, Rec. ; à propos de la CNDA, CE, 3juin 2020, nº 421888, Rec. T.), notion nouvelle
que l'on doit, semble-t-il, comprendre au sens littéral : la cour « abuse », c'est-à-dire qu'il était manifeste
que la requête n'était pas manifestement dépourvue de fondement. Cette absence de contrôle (qui cède en
cas d'« abus ») nesignifiepas, bien sûr, une absencede contrôle del'ordonnance. Son bien-fondé est examiné,
le juge de cassation vérifiant, après le juge statuant seul, si les moyens invoqués en appel appelaient
effectivement le rejet qui leur a été opposé. Seulement, l'erreur de procédure consistant à avoir considéré
que, manifestement non fondée, la requête pouvait être réglée par un seul juge n'est pas en tant que telle
sanctionnée (sauf « abus »). Sur le terrain procédural, lorsqu'unmémoire en défense est produit, méconnaît
le principe du contradictoire le rejet par voie d'ordonnance sans qu'un délai précis ait été laissé au requérant
pour répondre, CE, 31 déc. 2020, nº
431799, Sté Nass-y-Beach, Rec.T.
69. Cette condition tenant au « nombre d'affaires » semblables est expressément énoncée par le Conseil
d'État, sans que ce dernier ait avancé un chiffre, CE, 26juin 2009, nº
307369, Raffi, Rec. 237.
70. Les données de fait sont « susceptibles de varier d'une affaire à l'autre » ; dès lors que cette variation est
« sans incidence sur le sens de la solution à donner aux litiges », le jugement par voie d'ordonnance est possible
(CE, 20mai 2005, nº 267836, Reboul, Rec.T.). Par un exemple d'affaire ne pouvant être réglée par voie
d'ordonnance en raison des appréciations de fait inédites qu'elle nécessitait, que le jugement pilote n'avait
pas abordées, CE, 24 sept. 2007, nº 289334, Murzeau, Rec.T.
71. « Devenue irrévocable », depuis le décret du 2 novembre 2016, et non plus, comme dans l'état antérieur
du droit, «passée en force de chose jugée », expression qui permettait à une décision de devenir pilote alors
même qu'elle avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation (CE, sect., 26juin 2009, nº 307369, Rec.).
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