Revue - Revue française des Finances Publiques n°167-2024 - 226

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minimal, chère aux libéraux classiques et réhabilitée à la même époque
par Nozick52
, est louable d'un point de vue pragmatique (rares sont les
gens raisonnables à croire aujourd'hui à la possibilité d'une compression
drastique de l'État), mais il le place dans une position ambiguë au plan
théorique, puisqu'il doit défendre à la fois l'accroissement de l'État et la
modération de l'impôt.
Concrètement, jusqu'où Hayek pense-t-il que l'impôt peut augmenter
sans mettre en péril le modèle libéral ? Il ne fournit aucun seuil, mais il
est significatif que, expliquant son bouclier fiscal individuel, il donne
l'exemple d'un taux de 25 % du revenu national. Sans doute s'agit-il
d'un chiffre soutenable à ses yeux, propre à concilier la liberté de
l'individu et le volume élevé de l'action publique, nécessaire dans une
société développée. On est loin de l'État minimal, même si c'est deux
fois moins que ce qu'on connaît aujourd'hui dans un pays comme la
France.
Une autre difficulté de la doctrine fiscale de Hayek tient à
son articulation avec le modèle de constitution qu'il élabore dans
les années 1970, et qui constitue son grand legs à la théorie juridicopolitique53
.
Insatisfait de la séparation des pouvoirs dans les constitutions
contemporaines, où les chambres font les lois tout en soutenant
le gouvernement dans la réalisation de ses objectifs, il propose de
découpler l'activité législative et l'activité gouvernementale avec deux
chambres séparées, isolées chacune dans son rôle. Au plan fiscal, cette
séparation se traduirait par un partage des tâches entre l'assemblée
« législative », chargée de fixer abstraitement les règles de la fiscalité
(proportionnalité, proportionnalité avec exemption pour
les bas
revenus, légère progressivité, etc.), et l'ensemble gouvernemental
(gouvernement et assemblée gouvernementale), chargé, dans le respect
desdites règles, de fixer le montant global des impôts et de les affecter
aux divers besoins54
. Dans ce schéma, le gouvernement serait libre de
créer des services innombrables, et de voter du coup des impôts très
élevés, mais il saurait que ces impôts seront forcément prélevés selon
des modalités intangibles, fixées par l'autre chambre, sans qu'il soit
possible de rejeter le fardeau vers les contribuables les plus riches.
Hayek avertit toutefois que la différence entre les deux tâches
fiscales - fixer les règles, fixer le montant - sera peut-être « difficile »55
52. Robert Nozick, Anarchie, État et utopie [1974], PUF, coll. Quadrige, 2016.
53. Voir Bernard QUIRINY, « Remarques sur le projet de constitution de Friedrich Hayek »,
Jus Politicum n° 23, 2019, Dalloz, p. 289-304.
54. DLL, p. 826.
55. Ibid., p. 306.
RFFP n° 167 - Septembre 2024

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