Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024 - 129

L'expertise financière et l'autonomie du Parlement britannique
109
puisque leur travail peut, et doit, selon les Britanniques, s'appréhender
sans prisme politique. L'expertise dont il s'agit est perçue de manière
objective, même lorsque le gouvernement exprime son désaccord avec
les conclusions formulées dans tel ou tel rapport. Le parallèle peut être
fait ici, même si la comparaison a ses limites, avec la perception que
l'on peut avoir en France des rapports de la Cour des comptes. La
différence, bien entendu, est que la Cour des comptes ne fait pas partie
du Parlement, au contraire de la Commission des comptes publics et
du NAO. L'expertise dont bénéficient les assemblées françaises au
titre, par exemple, de la mission d'assistance que l'article 47-2 de la
constitution de 1958 confie à la Cour des comptes demeure externe.
S'il est indéniable que le Parlement britannique dispose d'une forte
autonomie en aval des décisions budgétaires, les choses sont très
différentes en matière de contrôle ex ante. Ce constat, qui a été établi
à plusieurs reprises par la Commission sur la procédure de la Chambre
des Communes (en 2016 et en 2019 en particulier) amène à nuancer
la tentation que les comparatistes ou spécialistes de droit étranger ont
parfois de conclure que le modèle anglais présente plus d'avantages
pour le Parlement de Westminster que pour son homologue français,
par exemple. En effet, l'autonomie financière de la Chambre des
Communes est forte si l'on envisage ses missions ex post, faible si l'on
envisage ses missions ex ante. La procédure budgétaire britannique est
même caractérisée par un déséquilibre marqué qui favorise le contrôle de
l'exécution et des comptes publics au détriment de l'examen minutieux
et attentif des projets budgétaires du gouvernement. C'est comme si,
en raison d'un bipartisme qui place l'Opposition dans une situation
presque sans espoir de voir ses amendements adoptés, le champ de la
décision budgétaire était délaissé par les parlementaires britanniques.
Comme l'Opposition est minoritaire1
, elle intériorise le fait qu'elle n'a
pas les moyens politiques de peser sur les choix du gouvernement lors
des votes budgétaires. Elle concentre alors son attention sur le contrôle
minutieux de son action, ex post donc. Dans ce paysage, seules des
tensions au sein de la majorité elle-même peuvent la conduire à infléchir
ses choix budgétaires. Ce fut le cas au sein du parti conservateur depuis
le référendum de 2016 sur la sortie de l'Union européenne qui a mis
à l'honneur le puissant European Research Group (ERG). La logique
du système est que le Cabinet, qui est composé des parlementaires
1. Il faut signaler les situations relativement exceptionnelles suivantes : le gouvernement
de coalition (2010-2015) et les gouvernements ponctuellement minoritaires (2017-2019)
pendant la période des négociations du Brexit.
RFFP n° 168 - Novembre 2024

Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024

Table des matières de la publication Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024