Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024 - 65

L'autonomie financière du Parlement italien
45
la présidence de la République. Elle sait bien que ni l'histoire ni la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle ne jouent en sa faveur. Jamais
jusqu'à présent, depuis que l'Italie a instauré le régime parlementaire
sous le Statut albertin en 1848, les comptables des Chambres n'avaient
soumis leurs comptes au contrôle de la Cour des comptes. Elle a
toutefois une excellente raison de penser que les pratiques pourraient
changer. La Cour s'appuie sur l'article 103 alinéa 2 de la Constitution
républicaine de 1947, qui lui donne une compétence de droit commun
pour le contrôle des comptes publics : aux termes de cet article, elle
« exerce sa juridiction dans les matières de comptabilité publique et les
autres matières spécifiées par la loi »11
.
Dans un arrêt de 1970, la Cour constitutionnelle lui avait laissé
entendre qu'une telle prétention serait rejetée. La Cour des comptes avait
demandé à l'époque la reddition des comptes au comptable public d'une
assemblée régionale (celle de la Sardaigne). La Région en question saisit
la Cour constitutionnelle pour protester contre ce qu'elle estimait être
une atteinte à son autonomie. Elle avait avancé un argument analogique :
puisque les assemblées du Parlement italien ne sont pas astreintes à une
telle obligation en raison de leur indépendance, une assemblée régionale
devrait disposer de la même garantie, étant elle aussi indépendante.
La Cour constitutionnelle reconnaît son autonomie, provenant du
régionalisme italien. Il fait naître, au profit des assemblées régionales, un
pouvoir normatif et une autonomie fonctionnelle extrêmement poussés,
autant que l'autorise un État unitaire. Les régions peuvent ainsi adopter
des actes législatifs et saisir la Cour constitutionnelle pour protéger leurs
compétences normatives contre les intrusions du législateur étatique.
Néanmoins, la situation n'est pas comparable à celle du Parlement
italien : « l'analogie entre les attributions des assemblées régionales et
celles des assemblées parlementaires ne signifie pas qu'il y ait identité.
Elle ne permet pas d'ignorer que les premières sont exercées au niveau
de l'autonomie, même si elle est garantie par la Constitution, tandis que
les secondes attributions sont exercées au niveau de la souveraineté »12
.
La Chambre des députés et le Sénat sont par conséquent placés dans
une « position d'absolue indépendance ».
Deux ans plus tôt, dans un arrêt à la configuration similaire (une
région se plaignait que la Cour des comptes lui demandât la reddition
des comptes), la Cour constitutionnelle avait spontanément soulevé
11. La Constitution italienne, trad. M. Baudrez, 2022,
https://cdpc.univ-tln.fr/wp-content/uploads/constit_italie_2022.pdf
12. Cour const., arrêt n° 110 de 1970, https://giurcost.org/decisioni/1970/0110s-70.html
RFFP n° 168 - Novembre 2024

https://cdpc.univ-tln.fr/wp-content/uploads/constit_italie_2022.pdf https://www.giurcost.org/decisioni/1970/0110s-70.html

Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024

Table des matières de la publication Revue - Revue française de Finances Publiques n°168-2024