Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 111

L'indépendance des arbitres du TAS :
le point de vue de l'avocat
Thibaud d'Alès
Avocat au Barreau de Paris,
Associé, Clifford Chance Europe LLP
Membre de la Commission d'Arbitrage du Centre de Médiation
et d'Arbitrage de Paris
L'exigence d'indépendance des arbitres siégeant au Tribunal Arbitral du Sport
(« TAS ») est posée par le Code de l'arbitrage en matière de sport, qui prévoit (de
manière assez classique et comme nombre d'autres règlements d'arbitrage) que
« tout arbitre doit être et demeurer impartial(e) et indépendant(e) des parties » 1
.
Selon le Tribunal fédéral suisse, chargé des recours en annulation des décisions
rendue par le TAS, « l'indépendance de l'arbitre signifie qu'il ne doit pas être lié
d'une manière ou d'une autre à la partie qui l'a désigné et n'être finalement qu'un
représentant de cette dernière » 2
interdisant les relations entre les arbitres et les parties au cours de la procédure 3
. L'indépendance est donc une notion objective
,
afin de prévenir qu'une partie soit avantagée au profit d'une autre du fait de ces
relations préexistantes.
Le TAS, en tant qu'institution, s'est doté de plusieurs outils visant à assurer
l'indépendance de ses arbitres.
D'une part, l'arbitre est soumis à un devoir de révélation qui lui impose de
« révéler immédiatement toutes circonstances susceptibles de compromettre son
indépendance à l'égard des parties ou l'une d'elles ». À cet égard, les IBA Guidelines
on conflict of interest référencent les situations spécifiques qui sont susceptibles de
faire naître des doutes quant à l'indépendance de l'arbitre et qui devraient ainsi
donner lieu à une révélation par l'arbitre (orange list), sans qu'elles ne conduisent
nécessairement à la récusation de celui-ci en l'absence d'objection des parties une
fois les liens révélés 4
. Mais ces mêmes lignes directrices font bénéficier l'arbitrage
sportif d'une certaine souplesse, notamment en cas de nominations répétées
(cf. infra). S'appuyant sur ces dérogations, le Tribunal fédéral semble peu enclin à
sanctionner les arbitres qui ne se conforment pas à ces règles, en invoquant par
exemple le « devoir de curiosité » des parties 5
.
1. Code de l'arbitrage en matière de sport, article R. 33.
2. Trib. fed., 27 mai 2003, ATF 129 III 445, Lazutina c/ CIO, §4.2.2.2, p. 466.
3. M. Noth et U. Haas, 'Chapter 15, Part II : Commentary on the CAS Procedural Rules, Article
R33 [Independence and qualifications of arbitrators]', dans Manuel Arroyo (ed), Arbitration in
Switzerland : The Practitioner's Guide (Second Edition), (© Kluwer Law International ; Kluwer Law
International 2018), pp. 1468-1476.
4. IBA Guidelines on conflict of Interest, p. 17.
5. Trib. féd. suisse, 4 mars 2022, n° 4A_520-2021, A. c. FIFA.
Les Cahiers de l'Arbitrage 2024‑1
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