Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 113

LES DÉFIS DU TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
De prime abord, la contrainte imposée sur les parties en litige devant le TAS
étonne alors que les listes que fournissent de nombreux centres d'arbitrage ne sont
qu'indicatives.
Ce mode d'organisation ne semble cependant plus en débat. Il a en effet
été jugé conforme au droit constitutionnel suisse par le Tribunal fédéral, qui
considère qu'il répond aux exigences constitutionnelles d'indépendance et
d'impartialité applicables aux tribunaux arbitraux 12
. La Cour européenne des
droits de l'Homme a également validé ce mode d'organisation, et ne voit « pas
de motifs suffisants pour s'écarter de la jurisprudence constante du Tribunal
fédéral, selon laquelle le système de la liste d'arbitres satisfait aux exigences
constitutionnelles » précitées 13
.
Les arguments en faveur de la liste fermée sont connus.
Selon ses partisans, ce mode opératoire est d'abord le garant de la compétence
des arbitres et du respect des critères fixés par le Code de l'arbitrage en matière
de sport 14
. Il prévient enfin,
: l'arbitre doit disposer d'une compétence en matière de droit du sport,
d'une bonne connaissance du sport en général et maitriser une langue de travail
du TAS. Il permet ensuite d'assurer une cohérence de la jurisprudence dans les
décisions rendues par le TAS, par l'esprit de corps qu'il induit 15
selon le Tribunal fédéral, le risque « qu'il y ait, au sein du tribunal, un ou plusieurs
arbitres non spécialisés et enclins à agir comme s'ils étaient les avocats des parties
qui les ont désignés » 16
.
Il est cependant, pour plusieurs raisons, permis de s'interroger sur la
compatibilité réelle de ce système avec la nécessité d'assurer une apparence
d'indépendance de l'arbitre du TAS (A. à C.), alors que certains aménagements
permettraient de renforcer celle-ci (D.).
A. L'emprise des institutions et des organisations sportives
sur les nominations et les désignations des arbitres
Premièrement, l'emprise des institutions et des organisations sportives sur les
nominations et les désignations des arbitres doit être soulignée.
Le pouvoir de nomination des arbitres sur la liste des arbitres du TAS
appartient au CIAS 17
. Le CIAS est également indirectement impliqué
, qui procède à celles-ci sur proposition du CIO, des
fédérations internationales, des CNO, ainsi que de la commission des athlètes
de chacune de ces formations 18
dans la formation des panels d'arbitres, puisque les Présidents de la Chambre
12. Trib. féd., 27 mai 2003, ATF 129 III 445, Lazutina c/ CIO, §4.2.2.2, p. 466.
13. CEDH, 2 octobre 2018, Affaire MUTU et Pechstein c. Suisse, n° 40575/10 et 67474/10,
§157.
14. Code de l'arbitrage en matière de sport, article S. 14.
15. F. Latty, Les questions liées à la liste fermée d'arbitres du TAS, à leur indépendance et
impartialité ainsi qu'à leur déontologie, Les cahiers du droit du sport, 2022, §61.
16. Trib. féd., 27 mai 2003, ATF 129 III 445, Lazutina c/ CIO, §3.3.3.2.
17. Le Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport, organe chargé de « favoriser
le règlement des litiges en matière de sport par la voie de l'arbitrage ou de la médiation et de
sauvegarder l'indépendance du TAS et les droits des parties » et responsable de l'administration et
du financement du TAS (article S2 du Code de l'arbitrage en matière de sport).
18. Code de l'arbitrage en matière de sport, article S. 14.
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