Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 118

SPÉCIAL « ARBITRAGE ET JEUX OLYMPIQUES »
comparaison et peut faire craindre une influence de l'institution sur l'indépendance
des arbitres 45
(B.).
A. Rappel sur les règles applicables en matière de Scrutiny
1) La méthode de Scrutiny en place au TAS
Les articles R.46 (procédure ordinaire) et R59(2) (procédure d'appel) du Code
de l'arbitrage en matière de sport prévoient qu'« avant la signature de la sentence,
celle-ci doit être transmise [au Secrétaire général] du TAS qui peut procéder à des
rectifications de pure forme et peut également attirer l'attention de la Formation
sur des questions fondamentales de principe ». Le Scrutiny du Secrétaire général
porte donc sur la forme mais aussi sur le fond de la décision qui lui est transmise
(« questions fondamentales de principe », formule particulièrement explicite).
Le Secrétaire général actuel du TAS a eu l'occasion de définir la formule
« attirer l'attention de la Formation sur des questions fondamentales de principe ».
Il considère ainsi qu'il « peut attirer l'attention de la Formation sur la jurisprudence
du TAS lorsque la sentence à rendre n'est manifestement pas conforme à cette
jurisprudence » tout en rappelant que « son avis ne lie pas les arbitres » 46
.
Il n'est pas rien qu'un tiers puisse donner son avis sur une sentence alors que
la reddition de celle-ci est en cours. On ne saurait ici que rappeler le principe
cardinal du secret du délibéré arbitral, qui vise à préserver l'indépendance d'esprit
et la liberté de décision des arbitres 47
doivent pouvoir se dérouler sans craindre les pressions extérieures 48
et assurer la sérénité des discussions qui
.
C'est également le principe du contradictoire qui se trouve malmené lors de
cette procédure particulière du Scrutiny. La faculté du Secrétaire général de porter
à l'attention des arbitres des décisions de jurisprudence qui ne sont souvent pas
publiées, ne permet en effet pas aux parties de les commenter (et encore moins d'en
débattre). Un auteur faisant autorité s'est à cet égard ému de trouver, dans la sentence
finale, des références explicites à de la jurisprudence inconnue des parties 49
.
45. Cette procédure n'est pas seulement critiquable pour le risque influence sur l'indépendance
des arbitres qu'elle représente. Il semble qu'elle ne permet par ailleurs pas de garantir l'égalité des
armes entre les différentes parties amenées à comparaître devant le TAS, en prévoyant une relecture
des sentences par un organe marqué par l'influence des organisations sportives.
Cette procédure peut également causer un allongement des délais pour les parties avant de
connaître la décision finale des arbitres. Entre la notification des motifs de la sentence et le rendu
de la sentence finale, plusieurs mois peuvent en effet s'écouler. Les conséquences pratiques sont
importantes, notamment pour les athlètes qui attendent d'être fixés sur leur sort dans des cas
d'interdiction de participation à des compétitions ou en matière de dopage.
46. Arbitrage TAS 2011/O/2574, Union des Associations Européennes de Football (UEFA) v. FC
Sion/Olympique des Alpes SA, sentence du 31 janvier 2012.
47. J.-D. Bredin, « Le secret du délibéré arbitral », Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991,
p. 71, spéc. p. 76.
48. Me
§812.
. de Boisséson M., Madesclair J., Fouchard C., Le droit français de l'arbitrage, mars 2023,
49. A. Rigozzi, E. Haslet, " Chapter 15, Part II : Commentary on the CAS Procedural Rules,
Article R59 [Award] " , dans Manuel Arroyo (ed), Arbitration in Switzerland : The Practitioner's Guide
(Second Edition), (© Kluwer Law International ; Kluwer Law International 2018), p. 1696, §11 : " It is
undeniably disconcerting to find, in an award, references to " precedents " whose very existence was
hitherto unknown to the parties (or at least one of them) " .
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