Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 245

LES ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES ACTUELLES DE L'ARBITRAGE EN MATIÈRE SPORTIVE
les litiges sportifs en matière de dopage relèvent effectivement du droit privé et non
du droit pénal stricto sensu, il n'en demeure pas moins que l'on peut comprendre
les athlètes qui ont tenté de faire appliquer ce standard, notamment au regard
des conséquences d'une VRAD qui, comme rappelé auparavant, sont parfois
comparables voire même plus drastiques que certaines sanctions pénales.
1. Le degré de preuve à la charge de l'organisation sportive :
le standard de la satisfaction confortable
La question du degré de preuve requis en matière de dopage a fait l'objet de
nombreuses discussions au fil du temps.
Dans une sentence phare rendue en 1996, le TAS a jugé que :
" An allegation of doping in sport is a serious allegation. The standard of proof
of the ingredients necessary to establish the offence of doping is greater than a
mere balance of probabilities but less than a standard which may be expressed
as proof beyond a reasonable doubt. In our view an appropriate expression
of the standard of proof required is that the ingredients must be established
to the comfortable satisfaction of the Court having in mind the seriousness of
the allegation which is made. It follows that the more serious the allegation
being considered the greater is the degree of evidence which is required to
achieve the requisite degree of comfortable satisfaction necessary to establish
the commission of the offence. In addition the nature of the offence is one of
strict liability if a prohibited substance is used. Accordingly, this is a further
factor whether may require a higher degree of satisfaction than may otherwise
be appropriate. 10
" [souligné par l'auteur]
C'est ainsi que le degré de preuve de la « satisfaction (confortable) » a été
consacré, d'abord par voie jurisprudentielle, avant d'être incorporé dans les règles
antidopage, dont aujourd'hui l'Article 3.1 du Code 11
.
Ce degré de preuve a également été appliqué en dehors du contexte de
dopage, notamment en matière de corruption ou de trucage de matchs sportifs 12
.
mondial_13_octobre.pdf (wada-ama.org)). Monsieur le juge Jean-Paul Costa a notamment conclu
que les soupçons d'infractions aux règles du Code n'étaient pas des « accusations en matière
pénale » au sens de l'Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (« CEDH ») sur
le droit à un procès équitable, et que donc les sanctions infligées pour ces infractions ne sont pas
de caractère pénal.
10. CAS OG 003-4, Andrei Korneev v. International Olympic Committee & Zakhar Gouliev v.
International Olympic Committee, sentence du 4 août 1996, p. 17. Pour plus de développements sur
les deux affaires, v. P. Provazník, Comfortable Satisfaction Before the Court of Arbitration for Sport:
Consistency Despite Differences?, Cofola International 2021, p. 349-350.
11. Article 3.1 du Code : " Le degré de preuve auquel l'organisation antidopage est astreinte
consiste à établir la violation des règles antidopage à la satisfaction de l'instance d'audition, qui
appréciera la gravité de l'allégation. Le degré de preuve, dans tous les cas, devra être plus important
qu'une simple prépondérance des probabilités, mais moindre qu'une preuve au-delà du doute
raisonnable. " La version anglaise utilise quant à elle l'expression " to the comfortable satisfaction of
the hearing panel " . Sur ce degré de standard tel qu'appliqué par le TAS, cf. notamment Ch. Davies,
" The 'Comfortable Satisfaction' Standard of Proof : Applied by the Court of Arbitration for Sport in
Drug-related Cases " , University of Notre Dame Australia Law Review 2012(14), p. 1-24.
12. Cf. notamment CAS 2014/A/3625, Sivasspor Kulübü v. UEFA, sentence du 3 novembre
2014, ¶ 131 ; CAS 2013/A/3258, Besiktas Jimnastik Kuliibii v. UEFA, sentence du 23 janvier 2014,
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