Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 248

SPÉCIAL « ARBITRAGE ET JEUX OLYMPIQUES »
2. Le degré de preuve à la charge de l'athlète :
la balance des probabilités
Une fois la VRAD établie, l'athlète incriminé peut renverser certaines présomptions
selon la prépondérance des probabilités. L'Article 3.1 du Code prévoit ainsi que
« [l]orsque le Code impose à un sportif ou à toute autre personne présumée avoir
commis une violation des règles antidopage, la charge de renverser la présomption
ou d'établir des circonstances ou des faits spécifiques, sauf dans les cas prévus
aux Articles 3.2.2 et 3.2.3, le degré de preuve est établi par la prépondérance des
probabilités » 19
.
Concrètement, cela signifie que l'athlète peut notamment :
- démontrer que l'analyse des échantillons a été réalisée par un laboratoire
non accrédité par l'AMA ;
- contester la validité scientifique des méthodes d'analyse ou les limites de
décision utilisées par le laboratoire ; ou
- renverser la présomption selon laquelle les laboratoires accrédités par
l'AMA et les autres laboratoires approuvés par l'AMA ont effectué l'analyse des
échantillons et respecté les procédures de la chaîne de sécurité conformément
au Standard international pour les laboratoires, en démontrant qu'un écart par
rapport au Standard international pour les laboratoires est survenu et pourrait
raisonnablement avoir causé le résultat d'analyse anormal 20
.
L'athlète peut également essayer de démontrer qu'une substance prohibée
est entrée dans son organisme sans faute de sa part. Cette preuve est toutefois
extrêmement difficile à apporter en pratique, même sous l'angle de la balance des
probabilités, et les cas dans lesquels une telle argumentation a été acceptée sont
d'ailleurs très rares. Dans une sentence récente du 29 novembre 2022 rendue dans
l'affaire UWW c. Nathan Dyamin Jackson, le TAS a toutefois reconnu que l'athlète
avait effectivement apporté la preuve, par la prépondérance des probabilités, que
la viande consommée dans un restaurant la veille du recueil d'échantillon avait
été « sans doute » contaminée par des substances prohibées - le boldenone, utilisé
pour la croissance des animaux - et que la violation avait été non-intentionnelle 21
.
Ce renversement a été admis nonobstant l'impossibilité de clarifier certaines
informations, dont l'origine de la viande et la quantité précise de boldenone
consommée par le sportif.
19. Cette règle est naturellement reprise dans de nombreuses autres règles antidopage ou
institutionnelles ; cf. notamment Règle 3.1 des World Athletics Anti-Doping Rules 2021, Article 3.1
des IOC Anti-Doping Rules 2021, Article 68(2) des FIFA Anti-doping Regulations 2021, Article 3.1 des
United World Wrestling Anti-Doping Rules 2021 ou encore Article 3.1 des International Skating
Union Anti-Doping Rules 2021.
20. Article 3.2.2 du Code. En cas de renversement réussi par le sportif, il incombera alors à
l'organisation antidopage de démontrer à son tour que cet écart n'est pas à l'origine du résultat
d'analyse anormal (v. Article 3.2.2 du Code).
21. CAS 2022/ADD/46, United World Wrestling (UWW) v. Nathan Dyamin Jackson, sentence
du 29 novembre 2022, ¶¶ 102-115 : " the Athlete has demonstrated on the balance of probabilities
that meat consumed on the day before his Sample collection was likely contaminated with the
Prohibited Substance and it was unintentional. "
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