Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 249

LES ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES ACTUELLES DE L'ARBITRAGE EN MATIÈRE SPORTIVE
3. Conclusion intermédiaire
D'une manière générale, si les règles applicables en matière de fardeau
de la preuve et de degré de preuve requis sont aujourd'hui bien définies, leur
application en pratique est parfois délicate, particulièrement dans les cas où la
preuve directe d'une VRAD n'existe pas, à savoir en l'absence de test positif à une
substance prohibée et lorsque les soupçons de VRAD sont fondés sur de « preuves
circonstancielles » 22
.
. Ceci concerne typiquement les hypothèses où l'échantillon
remis par le sportif dans le cadre du contrôle de dopage semble avoir fait l'objet
d'une manipulation ou d'une contamination 23
Ce qui est déterminant dans ces cas est la question de savoir si les preuves
invoquées sont suffisamment convaincantes, question pour laquelle les formations
arbitrales bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation qui ne fait pas l'objet d'un
contrôle en cas de recours en annulation par-devant le Tribunal fédéral suisse.
Une appréciation méticuleuse des moyens de preuve invoqués par les formations
arbitrales est donc primordiale. Dans ce contexte, se pose la question de savoir
plus concrètement quelles sont les preuves admissibles et comment elles sont
généralement appréciées par les formations arbitrales en pratique.
III. - Les différents moyens de preuve
et leur évaluation par les formations arbitrales
Comme pour le fardeau de la preuve et le degré de preuve, la question des
moyens de preuve admissibles est aujourd'hui traitée directement par les règles
antidopage, mais de manière très générale seulement. Ainsi, l'Article 3.2 du Code
prévoit que « [l]es faits liés aux violations des règles antidopage peuvent être établis
par tout moyen fiable, y compris des aveux ».
La référence à tout moyen de preuve fiable, sans autre précision, illustre la
grande appréciation dont bénéficient les formations arbitrales en la matière. Elles
doivent, dans chaque litige, déterminer si les preuves invoquées sont fiables et
suffisantes au regard du degré de preuve applicable.
Parmi les différents moyens de preuve, les preuves documentaires, les preuves
testimoniales et les expertises sont souvent centrales dans les litiges antidopage et
seront donc abordées ci-après, de même que la question des tests polygraphiques
sur lesquels certains athlètes incriminés se fondent parfois.
22. Cf. notamment CAS 2021/A/8012, Natalya Antyukh v. World Athletics (WA), sentence du
13 juin 2022, ¶ 132 : " In this case there is no direct evidence of use by the Athlete - all the
evidence is circumstantial " ; CAS 2021/A/7840, World Anti-Doping Agency (WADA) v. International
Canoe Federation (ICF) & Aleksandra Dupik, sentence du 9 juin 2022, ¶ 104 ; CAS 2020/O/6759,
World Athletics v. Russian Athletic Federation & Natalya Antyukh, sentence du 7 avril 2021,
¶¶ 57-60 ; CAS 2017/A/5432, Olga Potylitsyna v. International Olympic Committee (IOC), sentence
du 3 décembre 2018, ¶ 798 ; CAS 2017/A/5422, Aleksandr Zubkov v. International Olympic
Committee (IOC), sentence du 23 avril 2018, ¶ 815.
23. Sur ce point, cf. notamment R. H. McLaren, " CAS Doping Jurisprudence: What Can We
Learn? " , 2006, Sweet & Maxwell's International Sports Law Review, p. 10.
Les Cahiers de l'Arbitrage 2024‑1
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