Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 67

ARBITRAGE ET OLYMPISME : LES CHAMBRES AD HOC DU TAS
guide pratique précisant ce que les athlètes peuvent ou ne peuvent pas faire sur les
réseaux sociaux en lien avec les Jeux 50
. Certes, en cas d'infraction à ces normes, le
CIO devrait privilégier une approche amiable de nature à conduire le participant
concerné à se conformer aux règles olympiques, mais le guide du CIO n'exclut pas
la prise ultime de sanction en cas de défaut de conformité.
Sur le fondement de ce contexte géopolitique et réglementaire particulièrement
fourmillant, il est aisé d'échafauder un certain nombre de « scénarios dynamiques » 51
aboutissant à la délivrance de « grandes décisions » par la Chambre ad hoc du TAS
pour Paris 2024.
Relève ainsi du domaine du raisonnablement prévisible une sentence rendue
à la suite du recours d'un athlète russe ou bélarusse contestant sa non-invitation
pour les Jeux, sa disqualification ou son exclusion des Jeux (retrait d'accréditation)
par le CIO, parce qu'il serait apparu qu'il a dans le passé manifesté un soutien à la
guerre de la Russie contre l'Ukraine 52
, ou parce qu'à l'occasion d'une cérémonie
de remise de médaille, il aurait fait apparaître un symbole national, en violation
des Principes précités relatifs à la participation des athlètes individuels neutres.
Une telle sentence pourrait être l'occasion d'éprouver la réglementation du CIO
concernée, au vu des exigences de précision, clarté et prévisibilité des règles 53
.
Dans un registre voisin, on peut imaginer que la Chambre ad hoc ait à
se prononcer sur des sanctions prises par le CIO après qu'un athlète aurait
manifesté un soutien politique à l'Ukraine 54
, au peuple palestinien - ou
inversement à Israël 55
lex olympica, par exemple sur un podium de remise de médailles 56
- selon des modalités explicitement prohibées par la
. D'autres
formes de protestations politiques sont d'ailleurs envisageables telles que
le refus de concourir contre un athlète d'une certaine nationalité 57
ou de
50. Texte disponible à cette adresse : [https://olympics.com/athlete365/app/uploads/2023/12/
IOC-Social-Media-Guidelines-Paris-2024-FR.pdf] (consultée le 6 mars 2024). Le formulaire
d'engagement aux Jeux que signent les athlètes inclut ces Directives parmi les règles qu'ils s'engagent
à respecter.
51. Voir supra introduction.
52. Cf. « Paris 2024 : ces lutteurs russes dont la neutralité est contestée », lemonde.fr, 18 janvier
2024.
53. V. la sentence OG 20/004, Maxim Agapitov v. IOC, sentence du 24 juillet 2021, § 8.10 et
les références aux affaires CAS 94/129, CAS/2011/A/2670 et CAS 2014/A/3516.
54. Cf. « Ukraine - Iga Swiatek : 'Je veux montrer ma solidarité avec l'Ukraine' », Tennisactu.
net, 11 mars 2022.
55. Cf. « Guerre Israël-Hamas : en Turquie, un footballeur israélien arrêté pour 'incitation
publique à la haine' après avoir affiché un message lié au conflit », lemonde.fr, 15 janvier 2024 (le
joueur concerné avait montré sur son poignet le message « 100 jours, 07.10 » en référence à la date
de l'attaque du Hamas en Israël).
56. Cf. le cas célèbre des athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos, qui avaient
levé un poing ganté sur le podium de remise de médailles du 200 mètres lors des Jeux de Mexico
(1968), en protestation contre la discrimination raciale. V. Brengarth, C. Grossi, « JO 2024 :
'Pour les sportifs, il y a un dilemme entre l'exigence de 'neutralité' et la protection de leur liberté
d'expression », Le Monde, 3 février 2024.
57. Cf. la sentence CAS 2019/A/6500 et 6580, Islamic Republic of Iran Judo Federation v.
International Judo Federation, sentence 1er
mars 2021 (JDI, 2021, chron. 3, p. 345, obs. E. Loquin),
concernant la perte volontaire d'un combat par un athlète iranien, sur instruction de sa fédération,
de son CNO et du ministère des sports, pour éviter de devoir affronter au tour suivant un athlète
israélien. Le TAS avait considéré que le principe de neutralité politique « requires that no political
interference whatsoever is exercised on the activities of a sporting organisation. Indeed athletes must
be free to exercise their sport without any political interference ».
Les Cahiers de l'Arbitrage 2024‑1
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