Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1 - 2024 - 85

LES DÉFIS DU TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
soumis à la compétence du TAS par les statuts de leur fédération (directement ou
indirectement), et s'appuie sur sa jurisprudence 29
pour relever qu'ils ne disposent pas
d'un choix « libre, licite et sans équivoque », considérant qu'ils gagnent leurs vies en
pratiquant leurs disciplines, et que la non-acceptation de la clause compromissoire
apporterait une restriction trop importante dans leur vie professionnelle :
« le seul choix offert à la requérante était soit d'accepter la clause d'arbitrage
et de pouvoir gagner sa vie en pratiquant sa discipline au niveau professionnel,
soit de ne pas l'accepter et de devoir renoncer complètement à gagner sa vie
en pratiquant sa discipline à un tel niveau. » 30
Dès lors, la CEDH conclut que bien que cet arbitrage ne soit pas imposé par
la Loi, « l'acceptation de la juridiction du TAS [...] doit s'analyser comme un
arbitrage « forcé » au sens de sa jurisprudence » 31
, et doit donc garantir le respect
des dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH.
18. La CEDH n'en tire toutefois pas d'autre conclusion, ne voyant donc pas
en ce caractère forcé de l'arbitrage, pourtant non-issu de la Loi, un obstacle
rédhibitoire à sa validité à l'aune de la CESDH.
Dès lors que le TAS garantit le respect des droits prévus par la CESDH, peu
importe que les athlètes y aient consenti librement ou non. Elle condamnera donc
simplement la Suisse à verser à Claudia Pechstein la somme de 8 000 € du fait de
l'absence d'une audience publique devant le TAS, en violation de l'article 6 § 1
de la CESDH. Adrian Mutu, qui contestait l'indépendance du TAS, sera débouté.
19. Cette conclusion a nécessairement amené les acteurs du sport à s'interroger
sur le respect des droits européens, au regard de la CESDH mais également du
droit de l'Union Européenne (« UE »), et notamment en ce qui concerne le droit à
un recours effectif, à l'encontre des sentences du TAS.
III. - La remise en cause du recours effectif
20. Les sentences qui seront rendues par le TAS à l'occasion des JOP de Paris
2024 ne sauraient échapper à tout contrôle étatique. Pour rappel, chaque sentence
arbitrale rendue par le TAS peut faire l'objet d'un recours en annulation devant
le Tribunal fédéral suisse. Toutefois, les chances d'annulation d'une sentence
du TAS sont extrêmement minces. En effet, les motifs invocables devant cette
juridiction sont limitativement énumérés à l'article 190 de la Loi fédérale sur le
Droit International Privé ( " LDIP " ) :
« 1 La sentence est définitive dès sa communication.
2 Elle ne peut être attaquée que :
a. lorsque l'arbitre unique a été irrégulièrement désigné ou le tribunal arbitral
irrégulièrement composé ;
29. V. not. CEDH, 15 septembre 2009, n° 1742/05, Eiffage S.A. et Autres c. Suisse, voir « En droit,
1. a. ii. b. ».
30. CEDH, 2 octobre 2018, n° 40575-10 & 67474-10, Mutu & Pechstein c. Suisse, para. 113, p. 37.
31. CEDH, 2 octobre 2018, n° 40575-10 & 67474-10, Mutu & Pechstein c. Suisse, para. 115, p. 37.
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