Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 112

CASE LAW
Ces arrêts étaient très attendus, après de nombreux rebondissements qui avaient
déjà fait couler beaucoup d'encre 4
.
La Cour de cassation a en effet mis fin au débat concernant l'office du juge
du recours en annulation ou contre l'ordonnance d'exequatur sur la question
de l'exercice du retrait litigieux, mécanisme dont certains disaient pourtant
qu'il n'était plus guère employé aujourd'hui 5
, mais qui a su encore récemment
défrayer la chronique. La solution semble aujourd'hui claire et définitive : il
n'entre pas dans l'office du juge du recours de trancher une demande de retrait
litigieux.
Il convient, à titre préliminaire, de revenir, même brièvement, sur cette institution
juridique, afin de bien saisir l'enjeu de la décision de la Cour de cassation. Le
retrait litigieux permet au débiteur cédé de se libérer en payant au cessionnaire le
prix de la cession et non le prix de la créance cédée. L'objectif de ce mécanisme,
consacré à l'article 1699 du Code civil français, est donc de protéger le retrayant
« de l'âpreté du cessionnaire et de combattre les spéculations excessives » 6
.
Mais si ce droit devait à l'origine permettre de lutter contre la spéculation
judiciaire, il ne fallait pas qu'il devienne à son tour un outil juridique pouvant faire
obstacle à l'exécution d'une sentence. Selon la Cour de cassation, c'est pour cette
raison qu'en 2018, la 1re
chambre civile avait considéré que le juge du contrôle
pouvait « statuer sur une demande d'exercice du retrait litigieux, en application de
l'article 1699 du Code civil, dès lors qu'elle affecte l'exécution de la sentence » afin
de concentrer toutes les « demandes tendant à faire obstacle à l'exécution de la
sentence » devant le juge du contrôle 7
.
Ainsi, six ans plus tard, la même chambre, mais autrement composée, est
revenue sur cette position en jugeant que la demande d'exercice de retrait litigieux
est irrecevable devant le juge du contrôle et qu'elle relève de la compétence
exclusive du juge de l'exécution.
Avant d'analyser l'apport de ces deux arrêts, il est nécessaire de se replonger
dans le contexte de cette saga judiciaire.
L'affaire opposait la République Démocratique du Congo (RDC) et l'entreprise
publique congolaise Société Nationale d'Électricité (SNEL) à la société bosniaque
Energoinvest au titre de deux accords de crédit conclus le 2 avril 1980 et le
4 mars 1986, tous deux soumis au droit suisse et contenant chacun une clause
compromissoire, avec pour siège de l'arbitrage Zurich pour l'un, Paris pour l'autre.
Ces accords portaient sur le financement et la réalisation d'une ligne électrique à
haute tension et d'un aménagement hydroélectrique au bénéfice de la SNEL.
Le 2 mars 2001, Energoinvest a initié deux procédures d'arbitrage à l'encontre
de la RDC et de la SNEL, pour défaut de paiement de plusieurs échéances de
remboursement.
4. S. Bollée, D. 2018.1934 ; M. Laazouzi, Rev. arb. 2018.390 ; Th. Clay, D. 2018.2448 ;
P‑Y. Gautier, RTD civ. 2018.431 ; P. Pinsolle, Clunet 2018.1201.
5. P. Pinsolle, Clunet 2018.1201.
6. C. Fressenon, « Cession et retrait de droit litigieux », JCl. Notarial Formulaire, 2010 (mise à
jour : 5 déc. 2020), para. 15 ; N. Kilgus, « Opposabilité d'une cession de créance et retrait litigieux :
précisions », Dalloz actualités, 23 novembre 2015.
7. Cass. 1re
civ., 28 février 2024, n° 22‑16.151 et n° 22‑16.152 : Tels sont les termes employés
par la Cour de cassation dans les arrêts commentés du 28 février 2024 aux fins d'interprétation de
la solution rendue par ses arrêts du 28 février 2018.
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The Paris Journal of International Arbitration 2024‑2
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