Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 14

ARTICLES - DEBATES
n'est pas celle qui nous occupe aujourd'hui, même si elle ne lui est pas étrangère,
parce qu'elle découle, peut-être, précisément, de l'autorité de la personne, juge ou
arbitre, qui rend la décision.
Comment cette absence doit-elle se comprendre ? Est-ce parce que les arbitres
seraient dépourvus d'autorité ? Ou au contraire parce que leur autorité serait une
telle évidence qu'il ne serait pas utile de l'évoquer ?
Bien sûr que les arbitres sont pourvus d'autorité. Pour autant, des usagers
et des praticiens de l'arbitrage critiquent le fait que les arbitres ne fassent pas
suffisamment usage d'autorité. C'est ce qui a conduit aux Pragues Rules.
Mais l'autorité ne se réduit pas à l'idée de pouvoir et d'exercice de ce pouvoir.
Ce serait la réduire à une fonction régalienne, et elle y perdrait, paradoxalement,
sa noblesse. En vérité, l'autorité transcende le pouvoir qu'elle a vocation à exercer.
En le transcendant, elle rend ce pouvoir acceptable ou supportable, selon le rapport
qu'on entretient avec l'autorité.
Et j'en viens à ce qui me semble essentiel : l'autorité permet le pouvoir parce
qu'à l'instar de ce que tu as écrit, Laurent, à propos de la loyauté, l'autorité ne
se conçoit, pour être effective, que dans la relation. En d'autres termes, l'autorité
assoit la légitimité de celle ou celui qui rend la justice, et assoie donc la confiance,
indispensable à l'acceptation de la décision juridictionnelle, parce qu'elle permet
la croyance dans le Juste de la décision.
Si légitimité de l'arbitrage il y a, elle procède, à mon sens, de la légitimité
de l'arbitre, elle-même fondée sur son autorité en plus de son indépendance,
l'indépendance étant une condition de cette autorité.
Ainsi, l'autorité crée la confiance, qui crée l'acceptation de la décision, ce qui
suppose que cette autorité s'inscrive dans la relation et donc dans le dialogue, qui
socle la communauté arbitrale.
Autorité n'est pas synonyme d'arbitraire ni d'autoritarisme. Autorité est dialogue.
Elle nait du dialogue et survit par lui. La justice, qui suppose l'autorité, suppose
donc également le dialogue. Sans autorité, et donc sans dialogue, pas de justice.
Quant au dialogue, il suppose pour être effectif, de s'arrêter puis de tendre
l'oreille. Ce que le philosophe allemand Hartmut Rosa exprime par le verbe « aufhören
», qui porte ces deux sens. Alors, à l'attention des juges et des arbitres,
je dis que la Justice suppose ce temps d'arrêt, pour tendre l'oreille, entrer dans
le dialogue, et donc en résonnance avec les justiciables, ce qui convaincra ces
justiciables de reconnaître à leurs juges l'autorité, qui fondera la confiance dans
leur jugement, et facilitera l'exécution des décisions de Justice. CQFD.
Mais il est temps que je m'applique le aufhören pour vous permettre d'entrer,
maintenant, en résonnance avec notre intervenant. Aîné, tu l'es Mon Cher Laurent.
Et ce n'est pas revenir sur les acquis de la Révolution, si je te reconnais, maintenant,
un droit d'Aînesse, en m'effaçant pour te confier le soin de nous édifier de ton
autorité !
Merci de votre attention.
Marc HENRY
Président de l'AFA
380
The Paris Journal of International Arbitration 2024‑2
Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024

Table des matières de la publication Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024
