Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 18

ARTICLES - DEBATES
décisions qui provoquent l'obéissance, sans recours à la force ni au consentement
des assujettis, les parties.
10. L'efficacité de ces décisions est traditionnellement rattachée au caractère
contractuel de l'arbitrage, comme si la force obligatoire de la convention d'arbitrage
se prolongeait dans la décision de l'arbitre. Or, cette explication traditionnelle est
impuissante à rendre compte de trois phénomènes : le choix de la règle applicable au
fond (A) ; la détermination des règles de la procédure et la police de l'audience (B) ;
l'autorité de chose jugée et l'opposabilité de la sentence aux tiers (C).
Ce sont des règles bien connues que l'on se bornera à rappeler succinctement,
avant de partir à la recherche du véritable fondement de leur caractère contraignant.
A. Le choix de la règle applicable au fond du litige
11. C'est ici, sans doute et en premier lieu, que se manifeste le plus clairement
la différence entre l'office du juge et celui de l'arbitre.
Le juge est un organe de la loi qu'il ne choisit pas mais dont il se borne à être
le serviteur. Il n'est pas, au fond, l'auteur - auctor - du jugement : c'est la loi qui
par sa plume procure la justice. Dans la conception traditionnelle de l'office du
juge, celui-ci « réalise » la loi dans un litige particulier.
L'arbitre au contraire est le véritable auctor du jugement, non seulement, bien
sûr, celui qui le fabrique matériellement et intellectuellement, mais surtout celui
qui le crée de manière autonome - c'est l'un des sens du verbe « Augere », d'où
nous viennent auctoritas et auctor.
12. Cela est évident lorsqu'il statue comme amiable compositeur : nulle règle
imposée de l'extérieur, c'est le sentiment de l'équité personnel à l'arbitre qui dicte
le jugement. Or il faut rappeler que jusqu'à une époque récente, la majorité des
arbitrages administrés par la CCI étaient des arbitrages en amiable composition. Et
l'histoire et la géographie nous enseignent qu'il existe un lien étroit entre la notion
même d'arbitrage et l'équité.
13. Mais même lorsque l'arbitre doit statuer en droit, il n'est pas l'applicateur
d'une norme. Dans nombre de cas, il revient à l'arbitre de choisir la règle de droit
« qu'il juge appropriée » et cette liberté est d'autant plus grande que rares sont les
États qui autorisent un contrôle du choix opéré par l'arbitre et de la manière dont
il met en œuvre son choix - l'ordre public et le respect des lois de police étant
réservés. Lorsque les parties ont procédé au choix d'une loi de fond, ce choix
s'impose, certes, à l'arbitre ; mais comme un élément de la prévisibilité à laquelle les
parties se sont attachées, non comme une règle exogène à laquelle il devrait obéir.
Cette autonomie de l'auctor se manifeste encore dans le déroulement même
du procès.
B. La détermination des règles de procédure et la police
de l'audience
14. Les textes sont clairs : dans l'arbitrage interne, « le tribunal arbitral détermine
la procédure arbitrale sans être tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux
étatiques, sauf certains principes directeurs, à moins que les parties n'en soient
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