Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 31

DOCTRINES - DÉBATS
30. La deuxième interrogation qui mérite d'être soulevée concerne le titulaire
du droit de demander la déclassification.
31. Aux termes de l'article L. 2312-4 du Code de la défense, « une juridiction
française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la
déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de
la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. Cette
demande est motivée. L'autorité administrative saisit sans délai la Commission
consultative du secret de la défense nationale. ».
32. Ainsi, ce texte ouvre la possibilité de demander la déclassification sous
deux conditions. Tout d'abord, le texte requiert qu'il s'agisse de la juridiction
française. Par ailleurs, l'accès à l'information protégée doit être nécessaire dans le
cadre de la procédure engagée devant cette juridiction.
33. Une question suscite une réflexion dans le prolongement de cet article. Un
arbitre peut-il, sur le fondement de ce texte, s'adresser à l'autorité administrative
en charge de la classification afin de demander la déclassification ? L'interprétation
littérale du texte exclurait cette possibilité. Cependant, se poserait la question
de savoir ce qu'un arbitre peut faire. Ainsi, peut-il envisager la saisine du juge
étatique afin que ce dernier forme la demande de déclassification sur le fondement
de l'article L. 2312-4 du Code de la défense ? Dans un tel cas de figure, le critère
organique requis par le texte serait rempli, contrairement au second, à moins que
le juge français n'ouvre une information sur le fondement de ces faits.
34. Demeure alors une éventuelle possibilité pour une partie à l'arbitrage de
saisir le juge pénal qui, sur le fondement de l'article L. 2312-4 du Code de la
défense, demandera la déclassification.
35. Il reste une autre possible voie pour l'arbitre d'aménager l'effet du secretdéfense
sur sa mission juridictionnelle. Cette voie puise son fondement dans
l'affaire Secrétaire d'État à la guerre contre Coulon jugée par le Conseil d'État.
Dans son arrêt du 11 mars 1955, le Conseil d'État a jugé que si le juge administratif
ne peut avoir accès aux documents en raison d'un refus de communication fondé
sur le secret de la défense nationale, rien ne s'oppose « à ce que, dans la mesure
où ces renseignements lui paraissent indispensables pour former sa conviction sur
les points en litige, il prenne toute mesure de nature à lui procurer, par les voies
de droit, tous éclaircissements nécessaires, même sur la nature des pièces écartées
et sur les raisons de leur exclusion ; qu'il a ainsi la faculté, s'il y échet, de convier
l'autorité responsable à lui fournir, à cet égard, toutes indications susceptibles de
lui permettre, sans porter aucune atteinte, directe ou indirecte aux secrets garantis
par la loi, de se prononcer en pleine connaissance de cause ; qu'il lui appartient,
dans le cas où un refus serait opposé à une telle demande, de joindre cet élément
de décision, en vue du jugement à rendre, à l'ensemble des données fournies par
le dossier » 17
.
36. La troisième interrogation concerne le contrôle de l'arbitrabilité par le juge
de l'annulation. L'on voit à la lumière de ce moyen du pourvoi qu'il peut exister
deux problématiques différentes posées par le secret-défense. Soit le secret-défense
affecte l'objet même du litige. La question doit être soulevée devant le tribunal
17. CE, 11 mars 1955, R.149 ; AJDA 1955, II, 181, notre Long, RDP 1955, p. 995, concl.
Grévisse ; Confirmé par CE, 10 février 1963, Houhou, R. 468 ainsi que par CE, 27 mai 1983,
n° 45690, R. 219.
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