Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 39

DOCTRINES - DÉBATS
65. Il est à noter également que, devant le juge judiciaire, les notes blanches
peuvent se trouver dans les débats parce qu'une note blanche peut être adressée
au parquet.
66. On peut envisager ici l'hypothèse où l'arbitre a accès aux pièces du dossier
pénal lorsqu'il y a une enquête pénale parallèlement à l'arbitrage. Il y aura une
sorte de juridictionnalisation indirecte de la note blanche dans l'arbitrage. La
juridictionnalisation peut même être directe, lorsque l'État, partie à la procédure
d'arbitrage, verse une note blanche dans les débats.
67. Alors que des principes tels que l'égalité des armes, la loyauté et l'équité
procédurale s'appliquent aux parties au procès, les tiers ne sont pas liés par ces
principes. Dès lors se pose avec acuité la question de l'admissibilité des preuves
obtenues par espionnage par des tiers.
B. Admissibilité des preuves recueillies par espionnage d'un tiers
68. La deuxième problématique du droit de la preuve recueillie par espionnage
a trait à l'hypothèse où la preuve a été obtenue par un tiers et non pas par une
partie au procès.
69. L'exemple topique de cette hypothèse est la preuve provenant de
. Aux États-Unis les protagonistes de l'affaire sont poursuivis ou ont
été condamnés pénalement sur le fondement de l'Espionage Act de 1917. Par
conséquent, les preuves issues de Wikileaks constituent des preuves illégales, ce
qui est pertinent lorsque les questions probatoires devant l'arbitre sont régies par
le droit américain 36
.
70. En dehors du droit américain, la question se posera plutôt sous l'angle de
la déloyauté de la preuve. En droit français par exemple, une preuve illicite peut
être recevable, sauf si elle a été obtenue de manière déloyale. Autrement dit, si
la partie qui n'a pas espionné elle-même profite simplement de l'espionnage par
autrui, se pose la question de savoir si l'origine déloyale de la preuve la rend
définitivement irrecevable 37
.
71. Sur ce point, le contentieux européen fournit quelques pistes de réflexions.
La CJUE, par exemple, fait prévaloir l'impératif d'un établissement complet des
faits sur les conditions d'admissibilité des preuves. Suivant les traces de la Cour
internationale de justice dans l'affaire historique du Canal de Corfou de 1949 38
, les
tribunaux internationaux ont tendance à déplacer le curseur vers l'authenticité, le
35. V. sur la question, C. Blair, E. Vida-Gojkovic, « WikiLeaks and Beyond : Discerning
an International Standard for the Admissibility of Illegally Obtained Evidence », in Meg Kinnear
and Campbell McLachlan (eds), ICSID Review - Foreign Investment Law Journal, 2018, p. 235 ;
J. O. Ireton, « The Admissibility of Evidence in ICSID Arbitration: Considering the Validity of
Wikileaks Cables as Evidence », in Meg Kinnear and Campbell McLachlan (eds), ICSID Review -
Foreign Investment Law Journal, 2018, p. 231.
36. C. J. Markham, « Punishing the Publishing of Classified Materials: The Espionage Act and
Wikileaks », 23 B.U. Pub. Int. L.J. 1 (2014).
37. V. sur la question notamment, M. Resiman and E. Freedman, « The Plaintiff's Dilemma:
Illegally Obtained Evidence and Admissibility in International Adjudication " , Yale Faculty Scholarship
Series, 1982, 730.
38. Sur la base de l'affaire du Détroit de Corfou, les preuves obtenues illégalement peuvent
être admissibles, même si la méthode utilisée pour les obtenir est interdite : Cour internationale de
justice, Affaire du canal de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie) (fond), 1949, ICJ Rep 4.
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Wikileaks 35

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