Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 5

ÉDITORIAL
française, réunie en assemblée plénière, a jugé dans un arrêt rendu le 22 décembre
2023 que les preuves obtenues de manière déloyale ne seraient plus nécessairement
écartées des débats et pourraient au contraire être recevables si la prise en
compte des preuves en question ne porte pas « atteinte au caractère équitable
de la procédure dans son ensemble » et si ces preuves sont « indispensables à
[l'exercice du droit à la preuve] et que l'atteinte [à d'autres droits] soit strictement
proportionnée au but poursuivi ». C'était déjà le cas pour les preuves illicites,
et la cour a maintenant étendu cette solution aux preuves obtenues de manière
déloyale, au regard entre autres de « la difficulté de tracer une frontière claire entre
les preuves déloyales et les preuves illicites ». L'arrêt n'a pas été rendu en rapport
avec un arbitrage, et le nouveau principe n'a pas vocation à s'imposer aux arbitres,
qui restent souverains dans l'appréciation de la recevabilité des preuves ; mais ce
développement est néanmoins susceptible de faire son chemin dans les discussions
lors de procédures d'arbitrage ayant un lien avec la France lorsque des preuves
obtenues de manière déloyale sont introduites par une partie.
Et venons-en à ce numéro 2024/2 dont nous sommes confiants que la lecture
régalera nos fidèles abonnés en particulier par la grande originalité d'un certain
nombre de ses contributions.
Le numéro commence par la publication de l'intervention intitulée « L'autorité
de l'arbitre », sans surprise remarquable, du Professeur Laurent Aynès, prononcée
lors de la conférence annuelle de l'Association française d'arbitrage (AFA) qui s'est
tenue le 10 octobre 2023, précédée de l'allocution introductive de son président,
Marc Henry. Le Professeur Aynès offre une analyse magistrale de l'essence de
l'autorité de l'arbitre, qui se distingue d'une part de la persuasion et est d'autre part
détachée de toute force impérative. À lire et méditer, tant pour ses implications
dans le champ de l'arbitrage que celles tenant à la vie de la cité en ce xxie
siècle
tumultueux.
Nous sommes également redevables à l'AFA pour l'article de Kamalia Mehtiyeva
intitulé « L'espionnage et l'arbitrage ». Vous serez sans doute alléchés par le titre,
et vous ne serez pas déçus. Les amateurs de James Bond que nous sommes
tous à divers degrés y trouveront leur compte. Mais on saluera la performance
de l'auteur, qui traite avec rigueur de l'arbitrage comme cible de l'espionnage
et, à titre principal, de l'espionnage comme sujet à traiter par les arbitres. Elle
évoque à cet égard les problématiques du secret-défense, mais aussi l'espionnage
comme sujet même de la procédure, ainsi que la problématique de l'admissibilité
des preuves issues de l'espionnage, sujet couvert en filigrane dans notre brève
discussion, ci-dessus, de l'arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2023.
Dans la continuité de nos expérimentations avec des outils d'intelligence
artificielle, évoquée dans l'édito du numéro 2023/4, nous avons le plaisir de
publier un article de Chiann Bao, intitulé « Of Influencers and Institutions: Agents
of Change in International Arbitration », qui explore le présent et l'avenir de
l'application de nouvelles technologies à l'arbitrage, et souligne la nécessité que
l'arbitrage international se dote d'une stratégie de transformation digitale, à mettre
en œuvre par phases successives.
La rubrique jurisprudence n'est pas en reste. Elle commence par une note du
Professeur Arnaud de Nanteuil sur la saga de l'affaire Serafín García Armas dont les
multiples rebondissements fournissent, au fil des recours en annulation de diverses
Les Cahiers de l'Arbitrage 2024‑2
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