Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 58

CASE LAW
poursuivre sur le fondement du TBI un État dont ils étaient ressortissants au moment
de la réalisation de l'investissement. Le tribunal rejeta cet argumentaire et confirma
sa compétence par une décision du 15 décembre 2014. Le Venezuela formula
alors un recours en révision, qui donna lieu à une décision du tribunal rendue
le même jour que la sentence sur le fond, le 26 avril 2019. Par la première, il
déclarait la demande de révision irrecevable et par la seconde il condamnait l'État
à indemniser les investisseurs pour les préjudices nés de plusieurs violations du
traité de protection des investissements. Telles sont les trois décisions qui étaient
contestées devant la cour d'appel de Paris.
Si toutefois, pour la décision sur la demande de révision et pour la sentence
au fond, il s'agissait du premier recours devant la cour d'appel de Paris, la
décision sur la compétence a connu un sort autrement chaotique : elle fut annulée
partiellement une première fois en avril 2017 au motif que la demande n'avait pas
été présentée par un « investisseur étranger » au sens du traité et que le tribunal
avait donc retenu à tort sa compétence 3
au motif que la Cour d'appel ne pouvait annuler partiellement la sentence sur un
tel fondement 4
. L'arrêt fut cassé par la Cour de cassation
. La cour d'appel de Paris autrement composée statuant sur renvoi
prononça donc l'annulation de l'intégralité de la sentence en juin 2020 sur le
même fondement de l'article 1520, 1° du Code de procédure civile 5
. Ce deuxième
arrêt fut à nouveau cassé au motif que la cour d'appel avait ajouté une condition à
la compétence du tribunal qui ne figurait pas dans le traité 6
. C'est donc seulement
par un troisième arrêt rendu en juin 2023 et objet du présent commentaire que la
cour d'appel rejeta le recours en annulation, estimant que le tribunal n'avait pas
outrepassé sa compétence. Parallèlement, la procédure de traitement du recours
en annulation qui avait été déposé le 1er
juillet 2019 contre la sentence finale et
la décision sur la demande de révision fit l'objet d'une suspension qui ne fut levée
qu'au cours de l'année 2023. Elle aboutit aux deux décisions d'octobre 2023 par
lesquelles la cour d'appel annulait partiellement la sentence au fond et rejetait le
recours contre la décision sur la demande de révision.
Sans que l'affaire ne soit nécessairement parvenue à son terme, on peut sans
doute considérer qu'elle a atteint un point d'étape qui justifie une approche croisée
des trois arrêts rendus par la cour d'appel de Paris au cours de l'année 2023.
Portant sur des décisions de natures différentes, elles sont autonomes les unes des
autres mais sans doute ne peuvent-elles pas être pleinement comprises si elles ne
sont pas analysées par rapport à l'affaire dans son ensemble. Elles viennent en tout
cas confirmer que le contrôle opéré par la cour d'appel de Paris revient, certes un
peu contraint et forcé dans le cas de la décision sur la compétence, à une certaine
retenue qui a pu sembler faire défaut ces dernières années, la Cour s'étant illustrée
par de fracassantes annulations qui n'ont pas résisté aux fourches caudines des
juges de cassation 7
. L'intérêt de ces affaires tient surtout à ce qu'elles abordent de
multiples questions du droit français de l'arbitrage international sur lesquels elles
apportent des éclairages intéressants. Il est évident à cet égard que la troisième
3. CA Paris, 25 avril 2017, n° 15/01040.
4. Cass. 1re
5. CA Paris, 3 juin 2020, n° 19/03588.
6. Cass. 1re
civ., 13 février 2019, n° A 17-25851.
civ., 1er décembre 2021, n° 20-16714.
7. Sur cette évolution de la jurisprudence, v. J. Jourdan-Marques, Dalloz Actualité, 9 janvier 2023.
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The Paris Journal of International Arbitration 2024‑2

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