Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 62

CASE LAW
dispositions substantielles des traités d'investissement. Sur la question de fond, les
arrêts de 2023 viennent par ailleurs confirmer que la double nationalité n'est pas,
en soi, un obstacle au bénéfice de la protection des traités d'investissement : en
l'absence de texte contraire, le droit international ne comporte aucun principe
prohibant au ressortissant d'un État de poursuivre ce même État s'il est titulaire
d'une autre nationalité 15
.
B. Nationalité et moment de la réalisation de l'investissement
L'essentiel du désaccord entre la Cour de cassation et les juges du fond
portait sur l'un des aspects particuliers de la nationalité des requérants, qui
étaient ressortissants vénézuéliens au moment de l'acquisition des premières parts
sociales en 2001. La cour d'appel avait, dans un premier temps, estimé qu'en ne
satisfaisant pas à la condition de nationalité étrangère au moment des premières
acquisitions, les requérants ne pouvaient prétendre à la qualité d'investisseurs
étrangers possédant un investissement au sens du traité. Dès lors, le tribunal
arbitral aurait reconnu à tort sa compétence matérielle faute d'investissement
possédé par un investisseur étranger au moment de sa réalisation. Sur ce point,
la Cour de cassation a rétabli l'ordre en indiquant qu'en procédant ainsi, la cour
d'appel avait ajouté une condition qui ne figurait pas dans le traité, celui-ci ne
prévoyant pas que la qualité d'investisseur étranger devait être examinée au
moment de la réalisation de l'investissement 16
. Les juges du fond se sont rangés à
cette appréciation en rejetant la demande d'annulation sur le fondement du moyen
tiré de l'incompétence matérielle du tribunal, indiquant que l'acquisition des parts
sociales à une époque où les acquéreurs n'étaient titulaires que de la nationalité
vénézuélienne ne pouvait conduire à l'incompétence du tribunal, « le traité ne
subordonnant pas le bénéfice de sa protection à une condition de nationalité à la
date de réalisation des investissements, qui n'y figure pas » 17
. Si la chose semble
entendue, l'approche de la cour d'appel censurée par la Cour de cassation mérite
tout de même que l'on s'y arrête un instant.
La décision d'annulation rendue en 2017 l'a été au visa de l'article 1520, 1°,
au motif tiré de l'incompétence ratione materiae du tribunal arbitral. La cour
d'appel s'était en effet fondée sur les termes du TBI, qui définit l'investissement
comme « tout type d'actifs, investis par des investisseurs... » (nous soulignons),
ces derniers étant définis par ailleurs comme couvrant notamment « les personnes
physiques qui ont la nationalité de l'une des Parties contractantes en vertu de
leur loi nationale et qui réalisent des investissements sur le territoire de l'autre
partie contractante ». C'est l'emploi du terme « investi » et non « détenu » dans la
définition de l'investissement qui fut jugé déterminant par la Cour qui à ses yeux
« renvoie nécessairement à une condition de nationalité de l'investisseur à la date
de l'investissement » 18
finale), § 138-146.
16. Cass. 1re
15. V. CA Paris, 27 juin 2023, § 93 ; CA Paris, 24 octobre 2023 (recours contre la sentence
civ., 1er décembre 2021, § 10.
17. CA Paris, 27 juin 2023, § 54.
18. CA Paris, 25 avril 2017, § 43.
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. La Cour de cassation y a vu l'ajout d'une condition qui
n'était pas prévue par le traité, mais on doit reconnaître que l'approche initiale
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