Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 87

COMMENTAIRES DE JURISPRUDENCE
la décision prise par le tribunal arbitral, il ne lui appartient pas en tant que juge
de l'annulation de se prononcer sur le bien‑fondé de l'interprétation du tribunal
arbitral et de la motivation qui la sous‑entend.
12. Ainsi que le font remarquer d'éminents auteurs, le régime particulier fait à
l'époque l'office d'un tri efficace contre des demandes que l'on pourrait qualifier
d'excessives 11
.
, telles que celles visant - comme en l'espèce - à alléguer d'une
violation du Règlement d'arbitrage choisi par les parties par la simple organisation
d'audiences en ligne durant les mois les plus intenses de la crise sanitaire 12
À cet égard, il y a lieu de saluer la solution de l'arrêt sans la cantonner aux
circonstances extraordinaires liées à la pandémie. En effet, une partie ne doit pas
être mise en mesure de retarder indéfiniment la résolution du litige en exigeant
la tenue d'une audience physique. Si les circonstances de la pandémie rendent
cette exigence particulièrement critiquable, la manœuvre dilatoire d'une partie qui
chercherait à ralentir la procédure est nocive non seulement pour l'autre partie,
mais également pour l'institution d'arbitrage et pour la place d'arbitrage visée par
le siège. L'efficacité de la procédure d'arbitrage, qui justifie son recours par les
parties, doit primer.
13. Cette question ne devrait à l'avenir plus se poser. En effet, la Cour de
cassation a opéré un revirement de jurisprudence sur la question de la revue des
écarts vis‑à‑vis des règles procédurales deux mois après l'arrêt Capital Energy. Par
son arrêt Ferrovial Agroman du 13 avril 2023, la Cour de cassation a énoncé que :
« Il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie du grief de non-respect de la
mission au titre de l'article 1520-3° du Code de procédure civile, de contrôler
la conformité de la procédure suivie aux règles de procédure applicables » 13
.
14. La formulation employée qualifie sans nul doute cet attendu d'attendu de
principe : la violation par le tribunal arbitral de règles procédurales n'est désormais
plus un grief invocable pour obtenir l'annulation de la sentence. La société Alfanar
avait déjà tenté, dans l'arrêt commenté, de faire déjà prévaloir un tel principe,
en arguant de ce qu'« il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'annulation de
sanctionner une mauvaise application des règles de procédure » 14
.
15. La solution de l'arrêt Ferrovial Agroman est qualifiée par certains de
« salutaire », en ce qu'elle évite la multiplication des recours pour des violations
de règles procédurales de moindre importance, mais surtout en ce qu'elle réduit
le risque de voir l'ensemble des moyens formulés dans le cadre d'un recours en
annulation se fonder sur l'article 1520‑3° du Code de procédure civile 15
.
16. Selon le professeur J. Jourdan‑Marques, le revirement opéré par la Cour de
cassation pourrait cependant n'être qu'un « revirement en trompe-l'œil ». En effet, la
11. Voir en ce sens : C. Seraglini, P. Giraud, L. Jandard, « Arbitrage - Droit de l'arbitrage », La
Semaine Juridique Edition Générale n° 43‑44, 30 octobre 2023, doctr. 1254.
12. Th. Clay, « Arbitrage et modes amiables de règlement des conflits », Recueil Dalloz 2023
p. 2278, octobre 2022 - décembre 2023.
13. Cass. 1re
civ., 13 avril 2023, n° 21‑21148, para. 7.
14. CA Paris, Pôle 5, Chambre 16, 14 février 2023, n° 21‑10727, para. 18.
15. Th. Clay, « Arbitrage et modes amiables de règlement des conflits », Recueil Dalloz 2023
p. 2278, octobre 2022 - décembre 2023 ; J. Jourdan‑Marques, « Chronique d'arbitrage : variations
autour de la compétence », Dalloz Actualité, 30 mai 2023 ; L. Larribère, « Règles de procédure
choisies par les parties et mission du tribunal arbitral », Gaz. Pal. N° 35, 31 oct. 2023, p. 13.
Les Cahiers de l'Arbitrage 2024‑2
453
Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024

Table des matières de la publication Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024
