Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2024 - 88

CASE LAW
violation des règles procédurales choisies par les parties pourrait toujours entraîner
l'annulation d'une sentence sur le fondement d'une violation du contradictoire 16
.
Pour ce faire, il se fonde sur l'arrêt Sterling Merchant Finance dans lequel la cour
d'appel considère :
« qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'annulation de sanctionner
une mauvaise application des règles de procédure choisies par les parties, sauf
à ce que l'application alléguée comme étant erronée emporte une violation du
principe de la contradiction » 17
.
17. Seule la violation du principe du contradictoire devrait en effet pouvoir
être invoquée en cas de prétendue violation d'une règle procédurale. Il n'y a
qu'elle qui pourrait s'avérer suffisamment grave pour justifier l'annulation de la
sentence. À l'inverse, le grief issu de l'article 1520‑3° du Code de procédure
civile devrait se limiter à la conformité de la mission du tribunal par rapport au
fond du litige, avec notamment la question de l'ultra petita, ou du non‑respect de
la mission en droit ou en équité, en fonction des pouvoirs conférés au tribunal
par les parties.
À cet égard, la cour d'appel de Paris reprenait déjà dans sa jurisprudence
antérieure à l'arrêt Capital Energy, les éléments du contrôle du respect du principe
du contradictoire lorsqu'elle analysait le grief de la violation des règles procédurales
sur le fondement de l'article 1520‑3° du Code de procédure civile. En effet, dans
les arrêts ITOC et Cevikler mentionnés ci‑avant, la cour a relevé, pour rejeter les
deux griefs le respect du contradictoire : d'une part, la conduite contradictoire
des auditions litigieuses, de sorte que les réserves émises par les parties n'avaient
plus lieu d'être dans l'arrêt ITOC 18
, et la décision du tribunal arbitral rendue après
avoir entendu contradictoirement les parties de manière à respecter leurs droits de
défense, dans l'arrêt Cevikler 19
. L'arrêt commenté ne s'est pas donné à l'exercice,
la cour se bornant à relever les échanges des parties au sujet de l'organisation des
audiences en visioconférence et l'opposition exprimée par les sociétés recourantes
Capital Energy, sans pour autant énoncer expressément que les parties ont été à
même d'en débattre contradictoirement. Si l'arrêt avait été rendu après Ferrovial
Agroman, l'on aurait pu penser que cela aurait été le cas.
18. Cela étant dit, si la cour d'appel de Paris a eu récemment l'occasion de
mettre en œuvre la solution opérée dans l'arrêt Ferrovial Agroman, elle a pourtant
choisi, dans l'arrêt Raiya Group du 5 décembre 2023 20
, d'omettre l'évolution actée
par la Cour de cassation et de reprendre verbatim son raisonnement dans l'arrêt
Capital Energy en jugeant que :
« S'il peut être considéré que le tribunal arbitral s'écarte de sa mission dès lors
qu'il ne respecte pas les règles procédurales qui ont été arrêtées par les parties,
directement ou par référence, un tel écart ne peut emporter annulation de la
16. J. Jourdan‑Marques, « Chronique d'arbitrage : variations autour de la compétence », Dalloz
Actualité, 30 mai 2023. Voir encore : L. Larribère, « Règles de procédure choisies par les parties et
mission du tribunal arbitral », Gaz. Pal. N° 35, 31 oct. 2023, p. 13.
17. CA Paris, Pôle 5, Chambre 16, 1er
décembre 2020, n° 19‑09347, para. 36.
18. CA Paris, Pôle 5, Chambre 16, 20 octobre 2020, n° 19‑05231, paras. 55‑56.
19. CA Paris, Pôle 5, Chambre 16, 11 mai 2021, n° 18‑07442, paras. 73, 75, 78, 82.
20. J. Jourdan‑Marques, « Chronique d'arbitrage : l'influence du décret du 29 décembre 2023
sur l'exercice des voies de recours », Dalloz Actualité, 12 janvier 2024.
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