Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2024 - 132

CASE LAW
espèces, la situation est loin d'être identique au présent cas puisque l'arbitre en
cause avait été consulté en amont - de surcroît sûrement de manière onéreuse -
par une seule partie. En l'espèce, l'arbitre a agi en tant que membre du tribunal et
non pas pour le compte d'une des deux parties. De plus, si le rapporteur public
cite plusieurs décisions du Conseil d'État soutenant sa démonstration, nous notons
qu'il n'est pas fait référence à la jurisprudence récente en matière d'impartialité
des membres de la juridiction administrative (qui explique peut-être qu'il aurait
pu difficilement juger autrement). En effet, dans une décision du 15 avril 2024,
la Haute juridiction a considéré, au terme d'une analyse in concreto relativement
souple, qu'une magistrate administratif pouvait se prononcer sur une décision
administrative qui avait pourtant été élaborée et adoptée alors qu'elle était cheffe
du service juridique et contentieux de la collectivité intéressée moins de deux
ans avant le litige et qu'en outre, il était fait grief à la magistrate d'avoir, dans
ses précédentes fonctions, participé à la stratégie contentieuses en défense de
l'acte... 166
Pour en revenir à l'arrêt, pour le Conseil d'État, quand bien même ce « document
étape » eut été établi par l'un des arbitres en cours d'instance et prenait position sur
les prétentions des parties, l'impartialité de l'arbitre auteur du rapport ne pouvait
pas être remise en cause notamment en raison de la possibilité offerte aux parties
de faire valoir « leurs observations tant sur la teneur des propositions faites que sur
la méthodologie retenue » avant que le tribunal ne statue. Dans une telle situation,
aux termes de la jurisprudence judiciaire, il faudrait en effet que le requérant
démontre que l'« arbitre a eu une attitude partiale manifestant un préjugé en faveur
de l'une des parties ou révélant une hostilité affichée à l'égard d'une autre » 167
. Or
il n'apparaît pas au vu des éléments relevés par le Conseil d'État que l'arbitre en
cause ait manqué d'objectivité ou ait influencé les autres arbitres.
c. Le tribunal a statué sans se conformer à la mission
qui lui avait été confiée
Dans cette hypothèse, le juge étatique pourra annuler une sentence par laquelle
le tribunal arbitral a statué ultra petita, c'est-à-dire qu'il a accordé une indemnité
supérieure à celle qui était réclamée par le requérant 168
. Cette irrégularité - connue
du contentieux administratif 169 - a déjà été sanctionnée par le Conseil d'État lors
du contrôle sentence arbitrale en matière administrative rendue dans le cadre de la
procédure d'arbitrage obligatoire pour l'indemnisation des dommages de guerre 170
.
En l'espèce, la collectivité territoriale de Martinique reprochait au tribunal
arbitral de ne pas avoir statué conformément à sa mission en rejetant sa demande
reconventionnelle « tendant au remboursement de sommes qu'elle avait déjà
166. CE, ass., 15 avril 2024, n° 469719, Département des Boûches du Rhône ; AJDA 2024,
p. 1609, note L. Seurot ; ibid., p. 1751, chron. A. Goin et L. Cadin.
167. J.-B. Racine, Droit de l'arbitrage, op. cit., p. 350.
168. Cass. com., 9 juill. 2002, M. X., Sociétés Solidap et Saniser, n° 01-01750, inédit.
169. CE, 6 mai 1988, Centre hospitalier de Beauvais c/ Époux Cozette, nos
Jagot ; AJDA 1954, p. 315.
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The Paris Journal of International Arbitration 2024‑3
55385 et 69883,
Lebon T., p. 969. J.-B. Auby, « L' " ultra petita " dans la procédure contentieuse administrative » in
Mélanges offerts à Marcel Waline, Le juge et le droit public, t. 2, LGDJ, 1974, p. 267.
170. Commission Supérieure de Cassation des dommages de guerre, Plén., 25 janv. 1954, Sieur

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