Manuel - Droit des biens - 4e - 266

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par le propriétaire du fonds servant, alors que la servitude lui permettait d'y passer à pied
ou en voiture), la servitude est altérée21
. Cette solution peut se recommander de l'idée,
rationnelle, que lorsque le propriétaire du fonds servant contrarie l'exercice de la servitude,
il prescrit en quelque sorte l'affranchissement de la contrainte qui pèse sur son
fonds, et cela que la servitude soit discontinue (type de servitude donnant lieu en général
au contentieux) ou continue (comme une servitude de vue).
(ii) Lorsque la diminution de l'usage n'est pas imputable au choix du propriétaire du
fonds dominant, les solutions apportées par la jurisprudence manquent franchement de
netteté22
.
Certaines décisions paraissent retenir une réduction de la servitude23
s'éteignant que dans la mesure où elle avait été contredite24
au contraire retenir la disparition de la servitude25
, la servitude ne
.D'autres décisions paraissent
. Si le droit positif manque en clarté, la
21. La même solution vaut lorsque la modification des lieux rendant impossible l'exercice de la servitude
dans sa plénitude est imputable au propriétaire du fonds dominant (Cass. 3e
civ., 8janv. 1997, nº 95-10631 :
« ayant constaté que le propriétaire du fonds dominant avait, en 1941, par la modification matérielle de la
porte d'entrée de la remise réduite à 0,90mètre de largeur, interdisant l'accès du bâtiment aux animaux de
grande taille et aux véhicules importants, rendu désormais volontairement impossible l'exercice de la servitude
de passage dans toute son étendue, la cour d'appel, qui, sans dénaturation, en a exactement déduit
que cette servitude se trouvait partiellement éteinte par le non-usage pendant trente ans » ; Cass. 3e
civ.,
13mai 1987, nº 86-10480 : « après avoir exactement rappelé que, selon les dispositions de l'article 708du
Code civil, le mode de servitude peut se prescrire comme la servitude et de la même manière, la cour
d'appel, qui a souverainement retenu qu'en laissant obstruée une ancienne fenêtre et en restreignant par
des barreaux l'usage des deux autres fenêtres pendant plus de trente ans, M. Y... avait réduit l'usage complet
de ses vues et ne s'était pas borné à un simple usage restreint de ses fenêtres, a légalement justifié sa
décision » d'avoir ordonné l'obstruction d'une fenêtre et la pose de barreaux à deux autres fenêtres donnant
sur la propriété des épouxX).
22. Un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 11 déc. 1996 (Bull. civ. III, nº 238) qui avait laissé
entendre que la disparition d'une servitude non aedificandi avait été totale. La portée de cet arrêt est néanmoins
très incertaine dans la double mesure où, d'une part, la Cour de cassation avait envisagé la question
sous l'angle du principe d'indivisibilité des servitudes en cas de division du fonds dominant (C. civ.,
art. 700) et où, d'autre part, la cour d'appel avait ensuite de cette décision ordonné la démolition des nouveaux
bâtiments, avant que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans une décision rendue le
23mars 2001 (Bull. nº 7) se borne à rappeler que les dispositions de l'article 700 du Code civil étaient inapplicables
en l'espèce, la servitude ne préexistant pas à la division de l'héritage.
23. Dans un arrêt rendu par sa troisième chambre civile le 17mai 2018, la Cour de cassation a eu à se
prononcer au sujet d'une servitude conventionnelle de passage de quatre mètres de large grevant une
parcelle au profit de plusieurs autres, servitude méconnue partiellement par les propriétaires du fonds
servant. De fait, le passage était fermé par un portail en cours de construction dont les deux pilastres
étaient espacés de 3,05mètres. La cour d'appel ayant relevé que cette modification matérielle rendait
impossible l'exercice de la servitude dans toute son étendue contractuelle, la Cour de cassation l'approuve
d'avoir considéré « que la servitude se trouvait partiellement éteinte par le non-usage pendant trente ans
sur une portion de 0,95mètre et que celle-ci se trouvait réduite à 3,05mètres de large par le jeu de la
prescription extinctive » (Cass. 3e
civ., 17mai 2018, nº 17-18234).
Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre une décision ayant ordonné la
démolition d'une construction irrégulièrement édifiée sur une zone de non-édification alors même qu'une
précédente maison avait été construite depuis aumoins trente ans dans cette zone, dès lors qu'il n'avait pas
été soutenu devant les juges du fond que la construction nouvelle édifiée depuis moins de trente ans était
identique dans son implantation à la construction supprimée (Cass. 3e
civ., 26 févr. 2013, nº 12-13261).
24. Rappr. CAChambéry, 22 sept. 2011, RG nº 08/00649 : « Les épouxD et leurs auteurs n'ont donc jamais
eu la possession de la totalité de la surface de l'assiette de la servitude depuis 1963, soit depuis plus de
trente ans, l'état des lieux n'en permettant pas un usage complet. Dans la mesure où l'article 706du Code
civil prévoit que " La servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans " et l'article 708du même
code que " le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude même, et de la même manière "
les épouxD ne peuvent réclamer l'usage de la partie de la servitude qu'ils ont laissé prescrire. (...) La servitude
étant ainsi prescrite dans sa partie non utilisée, les épouxD seront déboutés de leur demande visant
à voir dire que leur droit de passage sur la propriété des consorts E - F est actuellement de 4mètres ».
25. La Cour de cassation a eu à connaître des conséquences de la violation d'une servitude non aedificandi
conventionnelle. Un propriétaire assigné, en vue qu'il lui soit interdit par un juge de construire en application
de ladite clause, opposa l'extinction de cette servitude en raison d'un non-usage trentenaire.
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