Manuel - Droit des sûretés et garanties du crédit - 16e - 139

Formation du cautionnement
condamnée à des dommages et intérêts qui viennent en déduction partiellement
ou en totalité des sommes dues. Elle peut aussi être déchargée.
Ensuite, il est seulement tenu compte de la disproportion manifeste existant
au jour de l'engagement de la caution. Il importe dès lors peu que la
caution soit revenue à meilleure fortune au jour de la poursuite. Le principe
de proportionnalité peut donc être appliqué avec une certaine souplesse. On
peut y voir comme la Cour de cassation une application du devoir de mise en
garde du créancier235
mais cette assimilation est facteur de confusion. Le
créancier n'alerte nullement la caution. Il doit veiller à ce qu'il existe un rapport
entrelepatrimoinede la caution, ses revenus et lemontant de son engagement.
Il est donc préférable d'y voir une nouvelle application du principe
de contracter de bonne foi. C'est une application de la responsabilité contractuelle
de la banque envers la caution236
donc subjective et non plus objective.
Enfin, Le principe ainsi posé profitait alors aux cautions profanes comme aux
cautions dirigeantes237
.M.Macronétait un donneur d'aval dirigeant et averti.
Dans un premier temps, la jurisprudence a conféré une très large portée à
ce principe de proportionnalité à tel point qu'il était invoqué de manière quasisystématique
par les cautions poursuivies par le créancier. Cette jurisprudence
était de nature à fragiliser à l'excès le cautionnement. Aussi par un
revirement important, la Cour de cassation devait limiter le jeu du principe
de proportionnalité238
. La formulation de l'arrêt Nahoum est différente de
celle utilisée dans l'arrêt Macron. La responsabilité du créancier ne peut
plus être recherchée que si la caution démontre « qu'il a eu sur ses revenus,
son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles
en l'état du succès de l'exploitation de la société, des informations
qu'elle-même aurait ignorées »239
.Il n'est pas tenu compte du montant de la
dette garantie. À la lecture de la décision, il pouvait être permis de penser
que le principe de proportionnalité était abandonné. Il n'en était rien. Des
arrêts subséquents allaient au contraire démontrer que la Cour de cassation
avait simplement voulu cantonner l'application du principe, excluant de son
. L'appréciation de laproportionnalité est
235. Cass. com., 3mai 2006 arrêt nº 640, JCPE 2006, 1890, obs. D. LEGEAIS.
236. Cass. 1re
civ., 6 avr. 2004, RD bancaire et fin. mai-juin 2004, obs. D. L. Des arrêts se fondent cependant
sur l'article 1382. Aucune conséquence pratique n'est déduite de qualification de la responsabilité.
237. Est disproportionné un cautionnement de 106 700 € alors que les ressources de la caution sont évaluées
à 870 € par mois, un cautionnement de 18 300 € alors que les revenus de la caution s'élèvent à 290 €
par mois : CALyon, 16janv. 1998 et CAParis, 27 nov. 1998, JCPG 1999, I, 116, nº 6, obs. Ph. SIMLER et JCPE,
p. 1057, note J. CASEY ; Banque et droit 1999, p. 49.
238. Cass. com., 8 oct. 2002, JCPE 2002, 1730, note D. LEGEAIS et 2003, 852, nº 6, obs. Ph. SIMLER; JCPG, 2002,
II, 10017, note Y. PICOD; D. 2003, p.414, note C.KOERING; Bull. Joly févr. 2003, note J. DEVÈZE ; RTD civ. 2003,
124, obs. P. CROCQ; Defrénois 2003, p. 456, obs. Ph.THÉRY ; LPA 2003, 18juill., note BRENNER;Cass. com.,3mai
2006, JCPE 2006, 1890, obs. D. LEGEAIS.
239. Dans un arrêt, la Cour de cassation ne prend pas en compte le succès éventuel de l'opération :
Cass. com., 6 févr. 2007, RTD civ. 2007, 372, obs. P. CROCQ; D. 2007, 575, V. A. R.
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