Manuel - Droit international pénal - 3e - 192

DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
crime contre l'humanité que celles qui renvoient au crime de guerre. Il
est encore tôt pour en tirer des conclusions mais, à l'évidence, s'il n'ya
point de hiérarchie formelle entre les crimes qui relèvent de la justice
pénale internationale, la pratique judiciaire n'est pas équivalente. Le
crime de guerre est plus fréquemment retenu que le crime contre l'humanité
qui est lui-même plus souvent invoqué que le crime de génocide qui
reste pour sa part plus présent que le crime d'agression. Il en va simplement
d'exigences différentes dans la contextualisation du crime, comme
de la liste diversement longue des infractions sous-jacentes qui s'y rapportent.
Dit autrement, il peut être plus « facile » de prouver qu'il y a eu crime
de guerre que crime contre l'humanité et plus « facile » de prouver qu'il y
a eu crime contre l'humanité que génocide. Il n'en demeure pas moins
que les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie ou pour
le Rwanda, puis la Cour pénale internationale, ont considérablement
modernisé l'acception retenue du crime contre l'humanité.
§2. Caractérisation de l'attaque
132. On l'a dit, le Statut de Rome propose une évolution importante
de l'élément contextuel du crime contre l'humanité. Il n'a plus à être
nécessairement commis dans le cadre d'un conflit armé (même si, en pratique,
il est souvent commis « à la faveur » d'une guerre ou de graves tensions
internes) ni à être lié à d'autres crimes qui relèveraient de la compétence
de la Cour. Désormais, le comportement matériel incriminé doit
faire partie d'une attaque « généralisée » ou « systématique » dirigée contre
une population civile et l'auteur avoir su que son comportement faisait
partie d'une telle attaque82
. Plusieurs décisions de la CPI (en particulier
dans les affaires Katanga, Bemba, Gbagbo ou Ntaganda) ont pris grand
soin d'éclairer les conditions désormais exigées, à partir des premiers éléments
apportés par la jurisprudence d'autres juridictions pénales internationales.
C'est un raisonnement en trois temps qui doit ici guider
l'analyse83
.
133. Premièrement, il convient d'établir l'existence d'une attaque,
c'est-à-dire « le comportement qui consiste en la commission multiple
d'infractions sous-jacentes à l'encontre d'une population civile quelconque,
en application ou dans la poursuite de la politique d'un État ou
d'une organisation ayant pour but une telle attaque » (art. 7-2-a du Statut
de Rome). Il s'agit de dévoiler la présence d'un fil qui relie des actes matériels
entre eux, l'existence d'un certain nombre de comportements incriminables
qui, même s'ils n'ont pas été commis au même endroit et en
même temps, s'inscrivent tous dans une « opération ou ligne de conduite »
donnée84
. Les actes criminels isolés ou « accidentels » ne sauraient par
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82. Éléments des crimes, art. 7.
83. CPI, Katanga, jugement, préc., § 1097.
84. CPI, Bemba, jugement, préc., § 151.
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