Manuel - Droit international pénal - 3e - 24

DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
d'Homère se présente comme un long récit de carnages quotidiens qui
viennent nourrir une colère « qui rend mauvais le plus raisonnable » et
qui, « plus douce encore que le miel qui s'écoule, croît comme une
fumée dans la poitrine des hommes »4
.L'histoire représentée relate aussi
le drame sans fin de la justice privée, comme lors de la tragédie vécue par
Clytemnestre, témoin du sacrifice de sa fille, actrice de la mort de son
mari et victime de la vendetta de son fils5
.
3. Force est de constater, heureusement, que le monde n'est plus tout
à fait le même. L'assujettissement à un Léviathan, à un gouvernement
central coercitif, avec ses forces de police et ses cours de justice, a contribué
à réduire le chaos local, avant que la démocratisation des régimes
politiques et la dissuasion nucléaire ne permettent de contenir les hostilités
entre souverains. Cela ne signifie pas que les guerres majeures ou les
« crimes de masse »6
Palestine, en Ukraine ou en Syrie le rappellent quotidiennement7
ont disparu. Les situations en Éthiopie (Tigré), en
. Mais
la violence interne ou internationale tend à être disqualifiée comme
mode d'expression ou de règlement des différends. Aujourd'hui, la
morale réprouve la guerre, la culture la marginalise, le droit la
condamne. La justice pénale internationale s'inscrit dans cette évolution
et on projette maintenant beaucoup sur elle8
. Depuis 1945, elle apporte
ainsi sa part au dépassement de l'état de nature des relations internationales
en permettant de qualifier des faits ou des actes souvent commis en
application de projets politiques comme autant de crimes de génocide, de
crimes contre l'humanité, de crimes de guerre voire de crimes d'agression.
Plusieurs régimes organisent dans l'ordre international la poursuite
et le châtiment des responsables de ces exactions. Des tribunaux internationaux
ou internationalisés ont été spécialement institués pour essayer
de briser les défaillances historiquement observées dans l'ordre national.
L'évolution est telle que des États se réapproprient à présent le phénomène,
développent leur compétence extraterritoriale sinon universelle
et mettent en place des structures spécifiques.
L'ensemble a déjà permis de juger quelques-uns des plus hauts responsables
de massacres du XX siècle. On songe, par exemple, à Charles Taylor,
ancien président du Libéria condamné en 2012 par le Tribunal spécial pour
e
4. HOMÈRE, L'Iliade, XVIII, 107-110 (trad. P. Brunet, Paris, Seuil, 2010).
5. V. les différentes versions de cette tragédie grecque majeure, celle d'Euripide notamment (Euripide,
Tragédies, Livre 6, 1 : Oreste, Paris, Les Belles Lettres, 2003).
6. La notion de « crime de masse » n'a pas de consistance juridique mais elle illustre commodément toute
la singularité de ces exactions qui se distinguent du commun des crimes par le nombre de victimes qu'elles
font, par le collectif impliqué dans leur réalisation ou par le contexte dans lequel elles se déroulent.
7. V. S. DAVIES,T. PETTERSSON et M.ÖBERG, « OrganizedViolence 1989-2022, and the return of conflict between
states », Journal ofPeace Research, 60/4, 2023, p. 691-708. Les analyses renvoient souvent à l'Uppsala
Conflict Data Program's(UCDP's [http://www.ucdp.uu.se/gpdatabase/search.php]).
8. S'agissant du terrain ukrainien, v. les témoignages recueillis en ce sens in Ukraine Wartime Diaries
(documentaire de M. ENNAIMI, Off the Grid, 2022, Tur., 40min, International Emmy Award 2023).
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http://www.ucdp.uu.se/gpdatabase/search.php

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