Manuel - Droit pénal général - 10e - 172

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
violation du principe non bis in idem14
. Toutefois, pour la chambre criminelle,
selon une formule reprise systématiquement, « des faits qui procèdent
de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une
seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu,
à deux déclarations de culpabilité, fussent-elles concomitantes »15
.
La question centrale était donc, à ce moment, de savoir ce que signifiait
le fait d'être animé d'une intention coupable unique ou d'intentions coupables
distinctes. L'intention se définissant par rapport au résultat tel qu'il
est défini par le texte de qualification, c'était a priori au regard des valeurs
sociales protégées qu'il fallait la (ou les) rechercher ; malheureusement, la
chambre criminelle n'était pas d'un grand secours tant sa jurisprudence
était, à sa lecture, énigmatique et invitait à traiter le cumul réel d'infractions
comme un concours de qualifications16
. Plus récemment, la Cour de
cassation, tout en rappelant sa jurisprudence, a paru ne s'attacher qu'à
l'existence de faits distincts pour retenir deux infractions sans rechercher
si ces faits ne procédaient pas en réalité d'une intention coupable unique,
ce qui pourrait être lu comme une volonté de sa part de limiter l'application
de la règle non bis in idem en privilégiant « les faits » sur «l'intention »17
.
L'arrêt rendu le 15 décembre 2021 entend clarifier les solutions en précisant
dorénavant les conditions dans lesquelles le principe non bis in idem doit
recevoir application lorsque sont en cause un fait ou des faits identiques.
Relevant que les solutions jusqu'alors appliquées ne permettent pas d'appréhender
l'action délictueuse dans toutes ses dimensions, notamment quand il
s'agit de vouloir ne retenir qu'une seule qualification, la chambre criminelle
décide « d'infléchir » sa jurisprudence en ces termes : « L'interdiction de cumuler
les qualifications lors de la déclaration de culpabilité doit être réservée, outre à la
situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des
infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de
l'autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'on se trouve
dans l'une des deux hypothèses suivantes :
Dans la première, l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination,
correspond à un élément constitutifou une circonstance aggravante de
l'autre, qui seule doit alors être retenue.
14. La règle « non bis in idem»ou«ne bis in idem» est prévue par un certain nombre de textes : art. 4 du
Protocole nº 7 à la Convention européenne des droits de l'Homme ; art. 54 dela Convention deSchengen ;
art. 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; art. 368 du Code de procédure pénale
et art. 113-9 du Code pénal. Cette règle interdit de rejuger une personne pour des faits identiques. Selon les
textes précédents, les qualifications prises en compte sont des qualifications successives. Certes, il s'agit ici
de qualifications concomitantes. Mais le problème est en réalité identique.
15. Cass. crim., 26 oct. 2016, nº 15-84552.
16. Comp. Cass. crim., 26mars 2019, préc. et Cass. crim., 5juin 2019, nº 18-84350, d'où il ressortait que,
dans les deux espèces, les résultats poursuivis semblaient différents ce qui aurait dû impliquer dans les
deux cas un cumul de qualifications, cumul pourtant refusé dans le second arrêt. - V. également :
Cass. crim.,16 avr.2019, préc. - Cass. crim., 9mai 2019, nº 18-82800. - Cass. crim., 22mai 2019,
nº 18-84097. - Cass. crim., 18 sept. 2019, nº 18-86291. Sur l'ensemble de ces arrêts, v. les observations précitées
de CONTE Ph. Dr.pén. 2019, nº 143.
17. Cass. crim., 9 sept. 2020, nº 18-86351 ; Dr.pén., 2020, comm. 201, note CONTE Ph. ; Cass. crim., 5janv.
2021, nº 20-80390 ; Cass. crim., 6janv. 2021, nº 19-85133 ; Cass. crim., 20janv. 2021, nº 19-84982 ; Dr.pén.,
2021 comm. 66, note CONTE Ph.
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