Manuel - Responsabilité administrative - 3e - 207

La responsabilité pour faute
raisonnable avec l'arrêt VilledeBrest. À propos des conditions de détention, il
détermine dans l'arrêt Thévenot de 2013 des critères précis pour considérer
des conditions de détention comme indignes. En matière médicale, il apprécie
in concreto la faute médicale depuis l'affaire Époux V. Ainsi, dans toutes ces
hypothèses, le juge prend en compte les difficultés rencontrées par l'administration
alors même qu'il a abandonné la faute lourde : le passage à la faute
simple n'est en rien synonyme d'une obligation de résultat imposée à l'administration.
De plus, la faute simple peut n'être qu'un trompe-l'œil : les arrêts
de revirement concernent des fautes simples qui ne sont pas si simples. Soit il
existe une succession de fautes, dans les arrêts Époux V.ou Chabba190
,soit la
faute semble pour le moins consistante, au regard de sa durée ou de son
ampleur (Commune de Baalon, Bourgeois...). Dès lors, même en matière de
justice, de contrôle et même de lutte contre le terrorisme, le juge pourrait
moduler son appréciation tout en adoptant la faute simple, la faute lourde
n'étant qu'une solution « de confort »191
.
210. Inconvénient de l'abandon de la faute lourde. - L'impact de
l'abandon de la faute lourde ne doit cependant pas être sous-estimé. La
faute lourde, lorsqu'elle n'était pas retenue, n'excluait pas tout dysfonctionnement.
Avec la faute simple, le juge doit nier l'existence de toute
faute pour absoudre l'administration. Ainsi, la crainte de R. Chapus peut
se réaliser : « estimant inopportun ou inéquitable que la responsabilité soit
dans certaines espèces reconnue en raison de la faute simple qui a été
commise, [le juge] devrait en venir à nier la faute, de façon arbitraire et
déconcertante »192
. Dans l'affaire AZF, ou en matière pénitentiaire, la
négation de toute faute aboutit à ne plus du tout stigmatiser le fonctionnement
du service public. Cela conduit même le juge à redéfinir l'activité
d'intérêt général (redéfinition de la police des ICPE, détermination des
conditions de détention indignes) en restreignant les obligations qui
pèsent sur l'administration.
Section 3
Prouver la faute
211. Établir la faute : le principe. - Quelle que soit la faute, qu'elle
soit lourde ou simple, elle doit être prouvée par le demandeur. Plus précisément,
prouver la faute consiste à établir les faits matériels qui constituent
le fait dommageable et à démontrer que ces faits ont un caractère fautif.
Dans le cadre du contentieux indemnitaire, le requérant bénéficie du
190. E. Prada-Bordenave considère d'ailleurs qu'il y a faute lourde en l'espèce : V. PRADA-BORDENAVE E.,
concl. sur CE, 23mai 2003, nº 244663, Chabba, Lebon, p. 240.
191. DUTHEILLET DE LAMOTHE L., ODINET G.,chron.sousCE, ass.,aviscont.,6juill. 2016,nº 398234, AJDA
2016, p. 1635.
192. CHAPUS R., Droit administratifgénéral, tome I, Montchrestien, 2001, p. 1304.
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